"Je n'ai pas peur de vous, je place ma confiance en Allah!" Salah Abdeslam, seul membre encore vivant des commandos jihadistes de novembre 2015 à Paris, a refusé de répondre et défié la justice lundi à l'ouverture de son procès à Bruxelles dans un autre dossier.
"Mon silence ne fait pas de moi ni un coupable ni un criminel, c'est ma défense", a argué Salah Abdeslam vers 11H00 (10H00 GMT) lorsqu'a commencé son interrogatoire sur la fusillade avec des policiers survenue à Bruxelles à la fin de sa cavale en mars 2016.
"Je n'ai pas peur de vous, je n'ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c'est tout, je n'ai rien à ajouter", a-t-il ajouté à l'adresse de la présidente du tribunal Marie-France Keutgen, en soulignant qu'à ses yeux "les musulmans sont jugés et traités de la pire des manières, impitoyablement".
"Je ne souhaite pas répondre aux questions", avait opposé le Français d'origine marocaine dès l'ouverture de son procès peu avant 09H00, alors qu'il était interrogé sur son identité et sa domiciliation. Il s'est dit "fatigué".
Extrait en fin de nuit de la prison de Fleury-Mérogis en région parisienne, l'ex "ennemi public numéro un" s'est présenté devant le tribunal correctionnel vêtu d'une veste claire et d'un pantalon noir, barbe fournie, des cheveux mi-longs gominés et plaqués en arrière.
Comme le complice présumé de sa fuite Sofiane Ayari, jugé à ses côtés, il est entré en salle d'audience encadré par deux policiers armés et cagoulés. Son avocat Sven Mary a fait savoir que son client ne souhaitait aucune image de lui par les médias.
Ce procès en correctionnelle n'est qu'un préambule à celui qui aura lieu en France pour les attentats qui y ont fait 130 morts. Mais il était très attendu.
Salah Abdeslam, qui a grandi dans le quartier bruxellois de Molenbeek où il s'est radicalisé, apparaît au coeur d'une cellule jihadiste impliquée dans au moins trois dossiers terroristes majeurs.
Les attentats de novembre 2015 à Paris, ceux du 22 mars 2016 à Bruxelles (32 morts) et l'attaque avortée dans le train Thalys Amsterdam-Paris en août 2015 relèvent "peut-être d'une unique opération" de l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), estime le parquet fédéral belge.
C'est ce qui a poussé une association de victimes du terrorisme, V-Europe, à demander de pouvoir être partie civile au procès, ce que Me Mary a contesté lundi. La demande sera débattue hors du cadre du procès, a tranché la présidente.
Les faits jugés remontent au 15 mars 2016.
Des enquêteurs français et belges avaient été surpris par des tirs pendant une perquisition de routine dans une des planques bruxelloises de la cellule, située rue du Dries à Forest.
Trois policiers avaient été blessés et un jihadiste algérien de 35 ans, Mohamed Belkaïd, tué en leur faisant face avec une kalachnikov pour couvrir la fuite d'Abdeslam et d'Ayari.
Cet épisode avait précipité la fin de la cavale de celui qui était alors l'homme le plus recherché d'Europe, et dont l'empreinte ADN avait été découverte dans la planque.
Il avait été interpellé avec son complice Ayari trois jours plus tard, le 18 mars, à Molenbeek. Leur arrestation avait été considérée par les enquêteurs comme l'élément déclencheur des attentats du 22 mars 2016, quand trois kamikazes se sont fait exploser à l'aéroport et dans le métro de la capitale belge.
Ce procès avait été repoussée mi-décembre pour laisser le temps à Sven Mary, tout juste rappelé aux côtés d'Abdeslam, de prendre connaissance du dossier.
Lundi matin, un dispositif de sécurité hors norme était en place dans et autour du Palais de justice, un hélicoptère survolant l'imposant bâtiment du 19e siècle, tandis que des véhicules blindés de la police en protégeaient l'accès.
Les deux prévenus sont jugés pour "tentative d'assassinat sur plusieurs policiers" et "port d'armes prohibées", le tout "dans un contexte terroriste", et encourent jusqu'à 40 ans de prison.
Salah Abdeslam sera par ailleurs jugé en France pour les attentats du 13 novembre, un procès autrement plus lourd, dont la date n'a pas encore été fixée.
Sofiane Ayari est lui aussi suspecté dans l'enquête sur ces attentats parisiens, où il apparaît sous plusieurs fausses identités. La justice française le réclame, vraisemblablement pour l'inculper à son tour.
Ce Tunisien de 24 ans, arrivé en Europe via l'île grecque de Leros en se mêlant au flot de réfugiés principalement syriens, fait partie de la dizaine de jihadistes que Salah Abdeslam a convoyés depuis l'Europe centrale entre août et octobre 2015.
Il avait été pris en charge par Abdeslam à Ulm (Allemagne) le 3 octobre 2015 en compagnie de deux autres hommes dont Ossama Krayem, un des suspects-clés des attentats de Bruxelles.
Lundi, Ayari a reconnu avoir été présent dans la planque de Forest, selon lui avec Abdeslam et Belakaïd, mais il a nié avoir fait feu sur les policiers.
Un stock d'armes avait été découvert, mais si son empreinte est présente sur une d'elles "ça veut dire que j'ai pu la manipuler bien avant" le 15 mars, a-t-il affirmé.
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