De nouvelles zones de développement en Afrique de l'Ouest

07/01/2020
De nouvelles zones de développement en Afrique de l'Ouest

Des réponses peu ou pas adaptées

Après International Crisis Group (ICG) en décembre dernier, c’est au tour de l’IFRI (Institut français de relations internationales ) de publier une étude sur les violences armées au Sahara.

La situation est particulièrement préoccupante dans l’espace transfrontalier qui jouxte la région de l’est du Burkina Faso, note le rapport.

L’extrême nord du Bénin est d’ores et déjà touché par la pénétration de groupes djihadistes – certains leaders de l’EIGS y sont même fréquemment localisés – qui trouvent dans cet espace à la fois une zone de repli face à la pression exercée par les forces militaires burkinabé, une zone de transit vers le Nigeria et le Niger, et une zone de développement à part entière. 

L’inquiétude est tout aussi palpable au nord du Ghana, considéré depuis 2018 comme une zone d’approvisionnement logistique et de repli des groupes djihadistes opérant à l’est et au centre-est du Burkina Faso. Les premières attaques survenues dans le centre-sud burkinabé depuis juin 2019 laissent également craindre un risque de contagion sur la frontière ouest du Ghana. 

Au nord du Togo, les mêmes craintes existent, d’autant que l’un des seuls cadres djihadistes de l’est burkinabé arrêtés l’a été par les autorités togolaises en début d’année dernière. 

Ces trois pays frontaliers de l’est du Burkina Faso partagent certaines réalités sociologiques, souligne l’étude de l’IFRI.

A commencer par la cohabitation entre des agriculteurs sédentaires et des populations pastorales essentiellement peulhs qui éprouvent d’importantes difficultés d’intégration. 

Les injustices dont ils sont victimes constituent un terreau dont nous avons vu l’impact dans d’autres espaces sahéliens. La stigmatisation dont souffre actuellement la communauté peulh de manière généralisée s’étendrait à ces espaces à en croire certains pasteurs peulhs interrogés, et ne serait pas sans lien avec les vagues d’arrestation récentes auxquelles les communautés peulhs ont dû faire face ces derniers mois dans ces territoires. 

Le contexte est donc propice pour que ces acteurs soient récupérés par les groupes djihadistes voyant dans ces nouveaux territoires une profondeur stratégique destinée prioritairement à compliquer encore davantage la lutte antiterroriste au Sahel. 

Il y a donc lieu de craindre que ces territoires voient le développement de cellules opérationnelles à moyen terme, prévient l’Institut.

Le développement de nouveaux foyers djihadistes éloignés des bases historiques des groupes djihadistes originels qu’étaient le GSPC puis AQMI amène à des formes de violence très hybrides où l’autodéfense, la rébellion et le djihadisme interagissent, se confrontent, se nourrissent les unes des autres. 

Cela donne lieu, explique l’auteur de l’étude, à la formation de dynamiques insurrectionnelles où la dimension religieuse – en tout cas dans un premier temps – est tout à fait mineure. 

Les groupes djihadistes viennent allumer des étincelles qui sont le fruit de situations d’injustices, de marginalisation et de violences localisées qui ont sédimenté pour créer les conditions de la naissance de foyers insurrectionnels qui prennent les apparats de la religion sans passer par sa substance. 

Il s’agit là d’un danger pour les Etats concernés qui ne comprennent bien souvent ni la rapidité avec laquelle ces violences se généralisent, ni l’ampleur avec laquelle elles éclatent. 

La raison de cette incompréhension est précisément qu’ils occultent leur dimension sociétale, insurrectionnelle, pour n’y voir que l’expression de « bandits armés », de « trafiquants » ou de simples badauds attirés par l’argent offert par les groupes djihadistes. 

Ces cas-là existent bien évidemment, mais ils ne constituent que la face émergée et surtout rassurante que les autorités souhaitent retenir. 

Pour l’IFRI, occulter cette dimension insurrectionnelle amène les autorités autant que leurs partenaires internationaux à concevoir des réponses peu ou pas adaptées à la réalité qu’elles doivent combattre, voire contreproductives. 

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L'étude a été réalisée conjointement par l'IFRI et le Policy Center for the New South, un think tank marocain basé à Rabat.

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