Le Liban a signé vendredi son premier contrat d'exploration d'hydrocarbures au large de ses côtes avec un consortium alliant le groupe pétrolier français Total, l'italien ENI et le russe Novatek, sur fond de tensions avec Israël sur l'un des blocs concernés.
Depuis plusieurs années, la Méditerranée orientale est devenue une zone d'exploitation gazière active, notamment après la découverte de gisements au large d'Israël, de Chypre et de l'Egypte, ce qui a donné lieu à des tensions entre divers pays de la région sur les droits et les frontières maritimes.
"Le Liban fait partie désormais du club des pays producteurs d'énergie et entame une nouvelle étape dans son histoire", s'est félicité le président Michel Aoun lors de la cérémonie.
Le consortium Total (40%), Eni (40%), Novatek (20%) est le seul à avoir répondu à l'appel d'offre, lancé en janvier 2017 par le gouvernement libanais pour ses premières explorations d'hydrocarbures en Méditerranée et plusieurs fois retardé en raison de l'instabilité politique et institutionnelle.
Les travaux de forage doivent débuter en 2019 et concernent les blocs 4 et 9 sur les dix prédéfinis par le Liban et les cinq ayant fait l'objet de l'appel d'offre.
Une partie du bloc 9 se trouverait dans une zone maritime contestée par l'Etat hébreu.
Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, avait dénoncé le 31 janvier "le comportement provocateur" des autorités libanaises: "Ils ont lancé un appel d'offre pour (...) un bloc qui de toute évidence est à nous".
Vendredi, le ministre libanais de l'Energie, César Abi Khalil, a dénoncé ces déclarations. "Il n'y a ni zone disputée ni contentieux. Il y a agression", a-t-il déclaré.
"Israël a adopté le tracé de sa zone économique exclusive (ZEE) avec une frontière située plus au nord que celle notifiée dès 2010 par le Liban aux Nations unies, et définie selon les lois internationales (...). Le bloc 9 est situé entièrement dans les eaux maritimes libanaises", a-t-il martelé.
Pour sa part, le député Nawaf al-Moussaoui du Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise et ennemi juré d'Israël, a affirmé que le Liban "n'accepterait aucune agression contre (ses) droits nationaux".
L'Etat hébreu et le Hezbollah s'étaient livrés en 2006 une guerre qui a fait plus de 1.200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 côté israélien, quasiment tous des soldats.
Le ministre des Affaires étrangères, Gebrane Bassil, a de son côté écarté le risque d'une confrontation militaire avec Israël, soulignant la poursuite des "efforts diplomatiques" pour faire baisser les tensions sur cette question.
Les États-Unis mènent une médiation depuis plusieurs années entre les deux pays pour trouver une solution au contentieux concernant une zone disputée de 860 km2 en mer sur laquelle déborderait le bloc 9.
Dans ce contexte Washington a dépêché mardi à Beyrouth le secrétaire d'État adjoint pour les affaires du Proche-Orient, David Satterfield.
Au cours de sa rencontre jeudi avec le chef de l'État, le diplomate américain a présenté "des propositions visant à maintenir la stabilité et le calme dans la zone frontalière", selon la présidence libanaise.
Vendredi, Total a souligné, dans un communiqué, que le groupe français "et ses partenaires sont bien conscients de la dispute frontalière entre le Liban et Israël (...), qui concerne en fait moins de 8% de la surface du bloc 9".
"Le puits d'exploration sur ce bloc ne présentera aucune interférence avec des champs ou zones d'intérêts qui sont situés au sud de la zone frontalière", a assuré la compagnie.
Le forage dans le bloc 9 aura lieu dans sa partie septentrionale, "à plus de 25 km de la zone contestée", selon Total.
La zone de prospection "dans le bloc 9 est, effectivement, au nord du bloc et c'est la où nous avons l'intention de forer le moment venu", a réaffirmé Stéphane Michel, directeur de Total au Moyen-Orient.
La question des ressources gazières autour de Chypre a également conduit à des frictions. L'île est divisée depuis l'invasion en 1974 de son tiers nord par la Turquie. Les prospections menées par Nicosie ont déclenché des tensions avec Ankara, qui réclame leur suspension dans l'attente d'une solution à la division de l'île.
Des tensions sont également apparues sur la question entre la Turquie et l'Egypte, qui a réaffirmé la "validité" d'un accord maritime avec Chypre en réponse aux critiques d'Ankara. En 2003, l'Egypte et Chypre se sont mis d'accord sur le partage des zones maritimes internationales en Méditerranée pour y développer l'exploration d'hydrocarbures.
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