Les députés iraniens ont signifié mardi leur profonde insatisfaction au président Hassan Rohani, convoqué de manière inédite devant le Parlement pour s'expliquer sur la détérioration de la situation économique.
C'est la première fois depuis son arrivée au pouvoir il y a cinq ans que M. Rohani est convoqué au Parlement, dans un contexte rendu encore plus électrique par le rétablissement des sanctions américains après le retrait des Etats-Unis de l'accord nucléaire conclu en 2015 par l'Iran et les grandes puissances.
Cette audition, de près de deux heures, fait suite au limogeage, après un vote de défiance du Parlement, du ministre du Travail le 8 août et de celui de l'Economie dimanche.
Les députés l'ont interrogé sur cinq dossiers économiques, dont le chômage tenace, l'inflation et l'effondrement de la monnaie nationale, mais ils ont rejeté par un vote quatre de ses cinq réponses.
Ils ont maintenant la possibilité de soumettre ces dossiers à la justice dans les prochains jours, s'ils considèrent que le président a manqué à ses obligations légales.
Le modéré Rohani, qui continue de bénéficier du soutien du guide suprême Ali Khamenei, s'est retrouvé dans une situation délicate, reconnaissant les problèmes auxquels sont confrontés les Iraniens, sans pour autant admettre l'existence d'une véritable crise.
"On ne devrait pas dire que nous faisons face à une crise. Il n'y a pas de crise. Si on dit qu'il y a une crise, cela constituera un problème pour la société puis une menace", a argué le président, critiqué à la fois par les conservateurs et les réformateurs.
M. Rohani n'a pas présenté de propositions pour sortir le pays du marasme, assurant que l'unité est la solution.
"Vous pouvez parler de l'emploi, des devises, de la récession, de la contrebande. Je crois que le problème est la vision que notre peuple a de son avenir", a-t-il affirmé.
"Les gens n'ont pas peur des Etats-Unis. Ils ont peur de notre désunion. Si les gens voient qu'on est unis, ils réaliseront que leurs problèmes seront résolus".
Mais le gouvernement Rohani, qui a misé sur une ouverture à l'Occident et les investissements étrangers avec la levée progressive des sanctions internationales consécutive à l'accord nucléaire, a été très affaibli par le rétablissement des sanctions américaines.
Un grand nombre d'entreprises internationales ont annoncé leur retrait d'Iran, de crainte des pénalités américaines.
Une deuxième vague de sanctions ciblera en novembre le secteur de l'énergie, vital pour l'économie iranienne.Téhéran a entamé une procédure devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye demandant la suspension des sanctions et dénonçant "l'étranglement" de son économie par Washington.
"Nous n'autoriserons pas une bande d'anti-Iraniens rassemblés à la Maison Blanche à conspirer contre nous", a lancé au Parlement M. Rohani, dont le pays est l'ennemi juré des Etats-Unis.
Mais un grand nombre d'Iraniens accusent leur gouvernement de ne pas avoir su tirer profit de l'accord nucléaire.
"Vous avez créé une montagne d'espérances appelée JCPOA", a déclaré Mojtaba Zolnour, député de la ville de Qom, utilisant l'acronyme de l'accord nucléaire. "Un seul coup de pied de Trump aura suffi à ce que tout s'effondre et vous vous retrouviez sans alternative".
Le Parlement a légalement le pouvoir de destituer M. Rohani. Mais l'ayatollah Khamenei, ultime décideur, a affirmé que lui retirer la confiance reviendrait "à jouer le jeu de l'ennemi".
La position du guide iranien pourrait expliquer la modération affichée par certains députés, dont le conservateur Hossein Naghavi-Hosseini: "Nous soutiendrons notre gouvernement pour assurer la protection de la République islamique", a-t-il avancé.
Mais lors du vote, les députés n'ont validé qu'une seule des réponses du président, celle sur le dossier des sanctions bancaires, reconnaissant que le gouvernement n'avait aucun contrôle sur ce dossier.
M. Rohani a même perdu le soutien de certains alliés réformateurs, qui avaient vu en lui le meilleur candidat après la mise en résidence surveillée de plusieurs de leurs leaders.
Selon le député réformateur Mostafa Tajzadeh, emprisonné plusieurs années pour avoir critiqué les autorités, le président a laissé passer sa chance devant le Parlement.
"S'il avait expliqué les causes des problèmes du pays, Rohani aurait fait un grand pas pour sensibiliser davantage l'opinion", a-t-il écrit sur Twitter. "Les votes négatifs des députés montrent qu'en n'exposant pas les faits, on renforce nos adversaires et déçoit le peuple".
Avant M. Rohani, seul le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, dont le style populiste avait écorné l'image de l'Iran sur la scène internationale, avait été convoqué au Parlement en 2012.
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