Six mois après avoir claqué la porte de l'accord sur le nucléaire iranien, les Etats-Unis ont confirmé qu'ils rétabliraient lundi leurs sanctions les plus draconiennes contre Téhéran, visant le pétrole et les banques, mais les doutes persistent sur cette campagne controversée de "pression maximale".
"Le président Donald Trump réimpose les sanctions les plus dures jamais adoptées" pour faire plier l'Iran, a annoncé la Maison Blanche.
Dans un communiqué vendredi soir, le milliardaire a expliqué que "l'objectif est de forcer le régime à faire un choix clair: soit abandonner son comportement destructeur soit continuer sur le chemin du désastre économique".
L'Union européenne (UE), la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, signataires de l'accord de 2015 censé empêcher les autorités iraniennes de se doter de la bombe atomique, ont aussitôt regretté "vivement" cette décision.
L'été dernier avait vu le retour d'un premier train des mesures levées en 2015. Le second volet entrera en vigueur lundi. Il s'agit de sanctionner, en leur barrant l'accès au marché américain, tous les pays ou entreprises qui continueront d'acheter du pétrole iranien ou d'échanger avec les banques de la République islamique.
"L'objectif est de priver le régime des revenus qu'il utilise pour semer la mort et la destruction à travers le monde", a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
Huit pays seront toutefois autorisés à continuer d'acheter du pétrole iranien pendant au moins six mois supplémentaires, "car ils ont fait preuve d'efforts importants pour ramener leurs importations de brut vers zéro", a-t-il annoncé.
La liste de ces pays sera connue lundi. A ce stade, on sait que l'Union européenne dans son ensemble n'en fait pas partie, mais qu'elle inclut la Turquie. Les observateurs s'attendent à ce que des dérogations soient également octroyées à la Corée du Sud, l'Inde, le Japon et peut-être la Chine.
L'administration Trump assure que la mise en oeuvre des sanctions sera beaucoup plus "agressive" que par le passé, avec moins de dérogations et davantage de contrôles.
Mais, a assuré le président vendredi soir, l'action des Etats-Unis est dirigée contre le régime iranien, "pas contre la population iranienne qui souffre depuis longtemps". Raison pour laquelle, selon lui, l'alimentation ou les médicaments notamment sont exemptés des sanctions "depuis longtemps".
Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a ainsi affirmé que 700 noms seraient ajoutés à la liste noire américaine, soit 300 de plus que ceux qui en avaient été retirés après 2015.
Il a aussi dit que les Etats-Unis souhaitaient couper les établissements financiers iraniens frappés par des sanctions du circuit bancaire international Swift, un maillon essentiel du système financier.
"Swift doit faire un choix: se soumettre à la menace de sanctions américaines ou continuer à faciliter des transactions avec des banques sur liste noire", se réjouit Behnam Ben Taleblu, de l'organisation Foundation for Defense of Democracies, qui milite pour une ligne dure.
"Les sanctions vont faire mal", prédit un diplomate européen, alors que l'Iran, son économie et notamment le rial, sa monnaie, souffrent déjà depuis plusieurs mois. Selon lui, "c'est le même plan de bataille qu'avec Kim Jong Un et la Corée du Nord: sanctions, pression maximale et ensuite ils sont prêts à négocier".
L'administration Trump ne cache pas s'inspirer de cette stratégie, qu'elle juge couronnée de succès, l'homme fort de Pyongyang s'étant engagé en faveur d'une "dénucléarisation" lors d'un sommet historique avec le président américain après un net durcissement des sanctions internationales.
Le milliardaire républicain répète qu'il est prêt à rencontrer les dirigeants de la République islamique pour négocier un accord global sur la base de 12 conditions américaines: des restrictions beaucoup plus fermes et durables sur le nucléaire que le texte de 2015, jugé laxiste par Washington, mais également la fin de la prolifération de missiles et des activités jugées "déstabilisatrices" de Téhéran au Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).
"Nous restons prêts à parvenir à un nouvel accord, plus complet avec l'Iran", a assuré M. Trump dans son communiqué.
D'autant que la situation diffère aujourd'hui de celle de 2012, quand Barack Obama avait imposé les sanctions qui seront rétablies.
A l'époque, "le monde était uni derrière les sanctions contre l'Iran", explique Barbara Slavin, du cercle de réflexion Atlantic Council. "Cette fois, il s'agit de l'administration Trump qui tente d'imposer au reste du monde une politique dont la plupart des pays ne veulent pas."
L'UE veut ainsi aider l'Iran à engranger quelques bénéfices économiques de son adhésion à l'accord de 2015, pour éviter qu'il le quitte à son tour et relance la course à l'armement nucléaire. "Notre travail se poursuit" et s'est "intensifié au cours des dernières semaines", ont affirmé vendredi les Européens.
Au-delà du niveau de pression que les Américains pourront exercer, le flou demeure sur leurs intentions. Mike Pompeo a parlé de "rétablir la démocratie" et, selon Ali Vaez, certains veulent "un changement de régime à Téhéran", avec le risque de favoriser l'aile dure du pouvoir iranien.
Cette stratégie est encore compliquée par le récent refroidissement des relations avec l'Arabie saoudite à la suite du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Ryad est un allié clé de Washington, qui espérait créer une Alliance stratégique au Moyen-Orient, réunissant les pays arabes du Golfe, l'Egypte et la Jordanie, afin de contrer l'Iran chiite.
"Ce projet est mort en même temps que Jamal Khashoggi", lâche Barbara Slavin.
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