Les soutiens du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, réélu avec plus de 97% des voix en mars 2018, ont commencé à donner de la voix pour le maintenir au pouvoir au-delà de son second mandat en 2022.
Les partisans du président souhaitent voir le Parlement revenir dès 2019 sur la limitation de la fonction présidentielle à deux mandats consécutifs de quatre ans, ou commencer à envisager le maintien de M. Sissi à un autre poste lui laissant les clés du pouvoir.
Dans un éditorial paru dimanche, le quotidien gouvernemental Al-Akhbar a donné le ton en appelant à faire de 2019 "l'année de la réforme politique qui a tardé".
Cette réforme doit permettre de "préserver tout ce qui a été réalisé pour la population en termes de stabilité sécuritaire et de redressement économique au cours des cinq dernières années", a expliqué Yasser Rizk, le directeur du conseil d'administration de ce journal proche du régime.
M. Rizk estime que l'amendement de la Constitution doit être voté par le Parlement au cours de sa prochaine session, avant la fin de l'été 2019.
Élu président une première fois en 2014, un an après la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi, M. Sissi a remporté un deuxième mandat en 2018 et est à la tête d'un régime considéré comme autoritaire et ultra répressif par ses opposants et les défenseurs des droits humains.
L'Égypte de M. Sissi doit notamment faire face à une insurrection du groupe Etat islamique basé au Sinaï (est).
Sur le plan économique, le pays se remet lentement d'une crise profonde, qui a nécessité depuis 2016 des réformes drastiques comprenant une dévaluation de la devise nationale et des baisses successives de subventions étatiques.
En novembre 2017, avant même d'être réélu, M. Sissi avait exclu une prolongation de ses fonctions après 2022, lors d'une interview à la chaîne américaine CNBC.
Mais après sa réélection en mars, la question est peu à peu revenue sur le devant de la scène.
"Cette question est évoquée partout en Egypte depuis un moment et pas seulement au Parlement", a déclaré à l'AFP Mohammad Fouad, député du parti Al-Wafd, proche du pouvoir. Selon lui, la propagation de ce débat n'a pas été "planifiée par le gouvernement".
Dans le contexte politique égyptien actuel, la perspective d'une telle réforme constitutionnelle n'a rien de surprenant à ses yeux: "chaque fois que l'on aborde le sujet de la fin du second mandat, la question se pose de l'alternative, et c'est l'état de panique", explique-t-il.
M. Rizk a proposé l'instauration en 2022, pour cinq ans, d'un organe de transition présidé par M. Sissi lui-même, sous le nom de "Conseil de protection de l'Etat et des objectifs de la révolution".
Pour le pouvoir en place, le terme "révolution" fait référence aux manifestations de masse du 30 juin 2013 contre M. Morsi, quelques jours avant sa destitution par l'armée.
En revanche, pour beaucoup d'Égyptiens, le terme évoque le soulèvement du 25 janvier 2011, qui a provoqué la chute du président Hosni Moubarak après 30 ans au pouvoir.
Selon le professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, Moustafa Kamal al-Sayed, M. Rizk "n'a pas exprimé un point de vue personnel, mais a révélé les orientations au sein des institutions gouvernementales".
Pour H. A. Hellyer, chercheur associé au Royal United Services Institute et à l'Atlantic Council, plusieurs "ballons d'essai" ont déjà été lancés dans les médias ce qui, selon lui, montre que "la modification de la Constitution revêt une importance primordiale".
De leur côté, sur les réseaux sociaux, les contempteurs du régime ont réagi entre sarcasmes et critiques virulentes face à cette proposition.
Le défenseur des droits humains Bahey Eldin Hassan a notamment parlé sur Twitter d'un "nouveau coup d'Etat de Sissi".
Le prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei, a regretté, sur Twitter également, que, contrairement aux démocraties, la Constitution égyptienne soit utilisée pour "consolider un régime autoritaire fondé sur la répression et la peur".
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