L'Arabie saoudite a démenti samedi, pour la première fois dans l'affaire Jamal Khashoggi, toute intention de "tuer" le journaliste dissident disparu à Istanbul, avant des rencontres turco-saoudiennes prévues ce week-end.
Répondant aux théories qui "circulent sur des ordres pour tuer le journaliste dissident Jamal Khashoggi", le ministre saoudien de l'Intérieur a dénoncé dans une déclaration officielle des "mensonges sans fondement".
Ryad est "attaché à ses traditions de respect des règles et des conventions internationales", a ajouté le ministre, le prince Abdel Aziz ben Saud ben Nayef, cité par l'agence de presse gouvernementale SPA.
M. Khashoggi, éditorialiste critique du pouvoir saoudien et collaborateur du Washington Post, n'a plus donné signe de vie depuis son entrée pour des démarches administratives le 2 octobre au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul.
Si les autorités saoudiennes ont rapidement jugé "infondées" les affirmations selon lesquelles le journaliste avait été assassiné dans ce consulat, elles étaient depuis restées cantonnées dans leur silence. Hormis pour signifier que les caméras du consulat ne fonctionnaient pas ce jour-là.
Le ministre saoudien s'est aussi félicité vendredi soir de la mise en place d'une coopération avec la Turquie pour éclaircir les circonstances de cette disparition, qui a provoqué des tensions entre l'Arabie saoudite, la Turquie et les États-Unis, où le journaliste s'était exilé en 2017.
Une source diplomatique turque avait déclaré plus tôt qu'une délégation saoudienne était arrivée à Ankara. Selon l'agence de presse étatique Anadolu, elle devait rencontrer des responsables turcs pendant le week-end.
Dans un communiqué en anglais, SPA cite une source officielle saoudienne anonyme exprimant sa "confiance absolue dans la capacité de l'équipe de travail conjointe (...) pour mener à bien sa mission de la meilleure façon possible".
Les tensions entre Ryad et Ankara s'étaient avivées lorsque des responsables turcs ont affirmé que le journaliste avait été assassiné par des agents saoudiens. L'Arabie saoudite maintient qu'il a quitté le bâtiment, sans présenter de preuve toutefois.
Vendredi, les quotidiens turcs Sözcü et Milliyet ont rapporté que M. Khashoggi portait, lorsqu'il est entré au consulat, une "montre intelligente" connectée à un téléphone qu'il avait laissé entre les mains de sa fiancée, Hatice Cengiz.
Les deux journaux affirment que des enregistrements audio ont ainsi été transmis au téléphone et sont actuellement examinés par la Justice turque. Toutefois, si Milliyet affirme que des cris et une querelle ont été enregistrés, Sözcü avance que des dialogues, mais pas de cris, peuvent être entendus dans cet enregistrement de "quelques minutes".
Le Washington Post avait auparavant soutenu qu'Ankara aurait affirmé à Washington détenir des enregistrements audio et vidéo montrant comment Khashoggi a été "interrogé, torturé puis tué" à l'intérieur du consulat, avant que son corps ne soit démembré.
L'affaire a suscité une forte préoccupation dans plusieurs pays occidentaux, dont le Royaume-Uni et la France.
Washington aussi a fait part de son inquiétude. Donald Trump a déclaré qu'il allait étudier la situation "très, très sérieusement" et qu'il n'aimait "pas cela du tout", même s'il se limite à ce stade à des demandes d'explications. La Maison Blanche et le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo se sont entretenus avec le prince héritier Mohammed ben Salmane.
La fiancée du journaliste a de nouveau interpellé vendredi M. Trump à son sujet. "Et qu'en est-il de #Jamalkashoggi?", a écrit Hatice Cengiz sur Twitter en réaction à un tweet dans lequel le président assurait travailler dur pour aider un pasteur américain jugé en Turquie, finalement libéré vendredi et attendu samedi aux États-Unis.
L'affaire Khashoggi a aussi refroidi des investisseurs qui s'enthousiasmaient encore il y a un an pour les pharaoniques projets économiques du prince héritier, comme le milliardaire britannique Richard Branson, qui a gelé plusieurs projets dans le royaume.
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