L’Organisation des Nations Unies a lancé un effort sans précédent de coordination pour aider la Guinée, le Libéria, le Nigéria et la Sierra Leone à enrayer la propagation du virus, qui a fait plus de 1.200 morts et affecte maintenant plus de 1 million de personnes en Afrique de l’Ouest.
Alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) renforce son action contre l'épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique de l'Ouest, l’ONU a lancé un effort sans précédent de coordination pour aider ces quatre pays à enrayer la propagation de l’épidémie.
Une épidémie qui épargne pour le moment le Togo où aucun cas n’a été recensé. Les autorités ont anticipé en mettant en œuvre un plan de veille et d’intervention au cas ou.
Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, vient de nommer le Dr David Nabarro, un médecin britannique et expert en santé publique, comme Coordonnateur principal du système des Nations Unies pour le virus Ebola, en appui au travail accompli par la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan.
La maladie a été identifiée en mars en Guinée et a récemment été qualifiée d'urgence de santé publique à portée internationale par l'OMS.
Avant de partir pour sa première mission en Afrique de l'Ouest, David Nabarro aborde, dans l’entretien qui suit, certaines questions essentielles auxquelles sont confrontés les gouvernements de la région : le renforcement des secteurs de la santé, la protection des personnels qui se trouvent en première ligne et la lutte contre la peur et la stigmatisation associées au virus.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la situation actuelle dans les pays touchés ? Que fait l'OMS pour protéger les travailleurs de la santé dans la région ?
David Nabarro : La maladie à virus Ebola s'est propagée dans quatre pays d'Afrique de l'Ouest au cours des derniers mois. Dans trois de ces pays, c'est vraiment une grave épidémie. Sans doute, le premier pays à être touché a été la Guinée, et ce pays a connu des vagues d'infection. Mais maintenant, nous nous intéressons surtout à deux autres pays - le Libéria et la Sierra Leone - où les taux d'infection semblent augmenter. Nous observons de nouveaux cas signalés chaque jour dans différentes régions, notamment au Libéria et en Sierra Leone. La situation en Guinée est un peu plus stable. A l'avenir, nous craignons que l'épidémie continue de se propager et qu'on ne puisse pas la contrôler rapidement.
Est-ce que l'OMS prend des mesures spécifiques pour protéger les agents de santé dans la région ?
David Nabarro : Cette épidémie est particulièrement préoccupante pour le secteur de la santé. Et quand je parle du secteur de la santé, je veux dire les ministères de la santé, ainsi que les organisations partenaires qui travaillent avec ces ministères afin d'aider les gens à rester en bonne santé et à ne pas tomber malades, et les organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé, qui est particulièrement impliquée dans cet effort. L'OMS et d'autres ont poussé à ce que deux choses se produisent. Tout d'abord, que le secteur de la santé soit en mesure d'aider à diagnostiquer les gens qui sont considérés comme ayant la maladie à virus Ebola, et ensuite de leur permettre d'avoir le bon traitement dont ils ont besoin.
Dans le cas de tous les pays touchés, ce sont les services de santé nationaux qui sont en première ligne et ils sont soutenus par des organisations partenaires et par l'Organisation mondiale de la santé, qui prend des mesures notamment pour essayer de permettre au personnel chargé des soins de santé de fournir un traitement approprié et de ne pas contracter eux-mêmes la maladie. C'est un défi important parce que le virus Ebola est contagieux. Mais si les précautions adéquates sont prises, il n'y a pas d'infection. Nous savons que le virus se transmet d'une personne à une autre par les fluides corporels. Cela signifie, par exemple, les vomissures ou les selles ou peut-être même la salive. Si vous pouvez vous protéger du contact avec les fluides corporels d'une personne infectée, vous ne serez pas infecté.
Ainsi, les secteurs de la santé, avec les différentes organisations partenaires et l'OMS, sont chargés d'apporter des conseils au sujet des précautions à prendre afin de prévenir l'infection. Et c'est la clé pour essayer de trouver des moyens permettant de contrôler la maladie, de fournir un traitement approprié et en même temps d'éviter aux agents de santé et à d'autres d'être infectés.
Quels sont les risques de propagation du virus dans les pays en dehors de la région et que fait l'ONU pour empêcher que cela se produise ?
David Nabarro : Alors que les informations sur l'infection par le virus Ebola se sont propagées, la communauté internationale a demandé à l'Organisation mondiale de la santé de fournir des conseils sur ce qu'il faut faire à ce sujet. Tout d'abord, l'OMS a convoqué une réunion de son Comité d'urgence, et ce comité a conclu que l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest est une urgence de santé publique à portée internationale. Cela signifie qu'il y a une série de mesures qui sont prises pour contrôler l'épidémie et pour aider les personnes touchées, et aussi pour essayer d'empêcher la propagation de la maladie à d'autres pays de la région. Cela signifie essayer de trouver les gens qui sont infectés, établir des restrictions sur leurs déplacements afin qu'ils ne puissent pas voyager et infecter d'autres personnes, et les mettre en quarantaine dans des endroits où ils peuvent obtenir un traitement approprié et un soutien. C'est la base des efforts visant à prévenir la propagation.
Cela ne signifie pas qu’il faut empêcher toutes les personnes vivant dans les zones infectées de voyager. De même qu’interdire de se rendre dans les pays concernés n’a pas de sens.
Il faut se concentrer sur les personnes susceptibles de développer la maladie ou d'avoir été en contact avec des malades. Dans ce cas seulement, il faut interdire les déplacements.
Comment l'épidémie affecte-t-elle les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et d'autres opérations vitales en Afrique de l'Ouest? Est-ce que le personnel des Nations Unies peut voyager dans les pays les plus touchés?
David Nabarro : Je tiens à être clair, très clair. Rien ne justifie d'empêcher les gens de se rendre dans les pays qui sont actuellement touchés par l'épidémie de fièvre Ebola. Le problème est que vous voulez empêcher les gens d'entrer en contact étroit avec des personnes atteintes de la maladie à virus Ebola, en particulier de les toucher. Cela signifie identifier les personnes qui ont la maladie et les aider à éviter d'être en contact avec d'autres personnes. Mais cela ne signifie pas que vous avez une sorte d'interdiction générale de voyager dans les pays touchés.
Et cela signifie bien sûr que le personnel des Nations Unies peut continuer et doit continuer à travailler dans les pays touchés par la maladie à virus Ebola. Cela vaut aussi pour les soldats de la paix. Ils ont un rôle vital à jouer dans certains pays de la région, et bien sûr nous encourageons les soldats de la paix à prendre les précautions nécessaires pour ne pas être en contact étroit avec des personnes atteintes de la maladie. Mais cela ne signifie pas que les voyages du personnel des Nations Unies dans les pays touchés par la maladie à virus Ebola sont interdits ou sujets à restriction. Je veux être très clair à ce sujet.
Vous avez rencontré des représentants des pays touchés. Quelles sont leurs préoccupations premières ?
David Nabarro : J'ai rencontré les représentants des pays touchés par la maladie à virus Ebola et ils m'ont fait savoir que leurs peuples et eux-mêmes étaient déterminés à réduire la transmission de cette maladie. Ils veulent être impliqués dans l'effort destiné à mettre la maladie sous contrôle. Ils veulent que le système des Nations Unies, dirigé notamment par l'Organisation mondiale de la santé, les aide à avoir des services de santé solides qui puissent fournir de meilleurs soins aux personnes qui sont touchées ou menacées par la maladie à virus Ebola.
Les représentants des pays touchés m'ont dit que je devais garder à l'esprit que la réaction à la maladie à virus Ebola a d'importantes conséquences économiques et sociales pour leurs populations. Ils m'ont demandé de faire de notre mieux pour fournir des informations exactes sur la maladie, sur les façons dont elle est transmise, sur les façons dont l'infection peut être évitée. Ils ont demandé que l'ensemble du système des Nations Unies travaille de manière coordonnée pour les soutenir. Ils nous ont demandé d'être avec eux alors qu'ils affrontent l'épidémie actuelle et qu'on les aide à reconstruire après.
Ils nous ont rappelé qu'ils sont sortis d'une guerre civile tout récemment et qu'ils se développent très bien. C'est un revers très sérieux et ils nous ont demandé de les aider à revenir sur cette voie. J'ai été en mesure de les rassurer et de leur dire qu'au plus haut niveau des Nations Unies, il y a un engagement absolu à soutenir ces pays et à les aider, eux et leurs peuples, à faire face à l'épidémie actuelle.
Que peut-on faire pour empêcher le public de paniquer ? Est-ce que les médias sociaux sont utilisés pour faire passer le message des Nations Unies ?
David Nabarro : Tout d'abord, le message que tous les agents de santé tentent de faire passer, c'est que nous devons travailler ensemble pour tenter d'empêcher que la maladie à virus Ebola affecte les communautés et se propage. Et travailler ensemble veut dire que chacun d'entre nous comprend la façon dont la maladie est transmise, que nous travaillons tous pour permettre aux personnes qui ont été infectées d'avoir accès à un traitement approprié, que nous travaillons tous pour permettre aux personnes qui ont été infectées d'éviter de transmettre la maladie à d'autres. Cela implique l'ensemble de la société. Cela veut dire un mouvement social pour obtenir que la maladie soit sous contrôle. Cela ne peut pas simplement être fait par quelques médecins et infirmières.
Et cela signifie que la communication est essentielle. La mobilisation sociale est la clé. Les médias sociaux sont un moyen essentiel de communication. Nous savons, en parlant avec les communautés, qu'il y a certaines pratiques, en particulier liées aux soins aux personnes ou quand il s'agit de les aider au moment où elles meurent, qui ont un rôle particulièrement important dans l'augmentation de la transmission du virus. Et cela signifie que, en travaillant avec les communautés, il est possible de leur permettre d'éviter les infections en diffusant des informations précises sur la façon dont les gens peuvent éviter de s'infecter eux-mêmes.
C'est là que les médias sociaux ont un rôle clé à jouer. Ceux-ci sont déjà utilisés dans la région par des professionnels de la santé. Et l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organisations au sein des Nations Unies, y compris l'ensemble de la communauté de maintien de la paix, apportent leur soutien grâce à la radio, à travers d'autres médias et par la communication directe entre personnes.
Quelles sont les plus récentes informations concernant les médicaments expérimentaux utilisés pour traiter le virus Ebola? Quelle est la position de l'ONU à ce sujet ?
David Nabarro : Récemment, l'attention s'est focalisée sur les médicaments expérimentaux qui ont été produits par certains laboratoires pour le traitement possible de la maladie à virus Ebola. L'attention s'est aussi focalisée sur l'utilisation de vaccins, dont certains sont en cours de test. La première chose que j'ai à dire, c'est que ces médicaments et ces vaccins ne sont pas encore passés par la totalité des tests de pré-production qui sont nécessaires avant qu'un médicament soit autorisé à être vendu et recommandé pour le traitement ou la prévention.
Cependant, l'Organisation mondiale de la santé a récemment réuni un certain nombre de différents organismes pour fournir des conseils éthiques sur la manière dont l'accès à des traitements expérimentaux pourrait être accéléré pour les communautés et les individus qui sont touchés par la maladie à virus Ebola. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Il y a encore beaucoup de travail à faire. Mais mes collègues de l'Organisation mondiale de la santé m'ont assuré qu'ils cherchaient à accélérer l'accès, qu'ils travaillaient avec les différents producteurs, et essayaient aussi d'aider à mobiliser des fonds pour rendre cela possible. Donc, nous allons voir ce qui se passe. C'est certainement un domaine qui bénéfice d'une grande attention.
Compte tenu de la stigmatisation et de la peur associées au virus, qu'est-ce qui peut être fait pour réinsérer les survivants dans la société ?
David Nabarro : Les gens qui se battent contre la maladie à virus Ebola sont des gens courageux. Les gens qui les soutiennent sont des gens courageux. Ce courage est extraordinaire. Quand j'entends et vois que les gens ont survécu la maladie à virus Ebola, je les vois comme des gens qui non seulement ont fait preuve d'un courage énorme, mais aussi qui ont un énorme potentiel. De plus en plus, ces personnes se portent volontaires pour aider au traitement de ceux qui sont encore infectés par le virus. De plus en plus, elles deviennent des ambassadeurs pour la communauté des personnes qui sont menacées par la maladie à virus Ebola.
Ce sont de vrais partenaires. Si quelqu'un dit qu'on devrait les tenir à l'écart, ma réponse est qu'on raterait un énorme potentiel. Ce sont les vrais champions. Ce sont les gens avec qui vous devriez travailler parce qu'ils sont de plus en plus le pilier de l'action communautaire pour essayer d'empêcher l'infection et pour encourager de meilleures installations pour le traitement des malades.
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