Régime "corrompu" contre "terrorisme économique": l'Assemblée générale de l'ONU a été mardi le théâtre d'un choc frontal entre le président américain Donald Trump, qui a appelé à isoler le régime de Téhéran, et son homologue iranien Hassan Rohani, qui l'a accusé de vouloir le renverser.
L'occupant de la Maison Blanche avait pourtant opté, à la tribune des Nations unies à New York, pour un ton globalement moins agressif qu'en 2017.
Dans un contraste saisissant avec sa première allocution, lorsqu'il avait menacé de "détruire totalement" la Corée du Nord, il a vanté le dialogue "audacieux" amorcé avec le régime reclus en vue de sa dénucléarisation.
Propos longtemps inimaginables dans la bouche d'un président des Etats-Unis, il est allé jusqu'à louer le "courage" de l'homme fort de Pyongyang, Kim Jong Un, jadis affublé du surnom moqueur de "Rocket Man" (homme-fusée).
C'est, sans surprise, à l'Iran, qualifié de "dictature corrompue", qu'il a réservé ses flèches les plus aiguisées.
"Nous ne pouvons pas permettre au principal soutien du terrorisme dans le monde de posséder les armes les plus dangereuses de la planète" ou de "menacer l'Amérique" ou Israël, a-t-il martelé. "Nous demandons à toutes les nations d'isoler le régime iranien tant que son agression se poursuit" et "de soutenir le peuple iranien", a-t-il ajouté.
Intervenant un peu plus tard à la même tribune de la grand-messe mondiale annuelle, son homologue iranien a dénoncé la volonté de changement de régime qui anime à ses yeux la Maison Blanche -- ce dont cette dernière se défend.
"Il est paradoxal que les Etats-Unis ne cherchent même pas à cacher leur plan visant à renverser le gouvernement-même qu'il invite à des pourparlers", a lancé Hassan Rohani.
Le président Trump a claqué la porte en mai, au grand dam de ses alliés européens, de l'accord nucléaire de 2015, qu'il juge laxiste, visant à empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique. Il a rétabli toutes les sanctions contre Téhéran, et espère faire plier le régime iranien pour qu'il négocie un futur traité à ses conditions draconiennes.
Le milliardaire républicain n'exclut pas de rencontrer à l'avenir son homologue iranien, même s'il avait coupé court aux spéculations avant les discours. "Peut-être un jour (...) Je suis sûr que c'est un homme absolument charmant!", avait-il tweeté.
"Comment pouvons-nous entamer des pourparlers avec une administration qui se conduit aussi mal?", a balayé le président Rohani, dénonçant le "terrorisme économique" que représentent pour lui les sanctions.
Les seules négociations possibles doivent avoir lieu à l'ONU et sur la base de l'accord "déchiré" par Washington, a-t-il plaidé.
Le président français Emmanuel Macron, qui se targue de pouvoir parler aux deux dirigeants ennemis et dont le discours était comme symboliquement intercalé entre les leurs, a marqué son net désaccord avec son homologue américain.
"Qu'est-ce qui permettra de régler véritablement la situation en Iran? (...) La loi du plus fort? La pression d'un seul? Non!", a-t-il martelé, appelant au "dialogue et au multilatéralisme" pour sortir de l'impasse.
Lundi soir, les Européens ont annoncé, dans une décision-camouflet pour Donald Trump, la création d'un mécanisme visant à préserver leurs échanges avec l'Iran tout en échappant aux sanctions américaines, censées frapper les entreprises étrangères qui ne cesseraient pas tout commerce avec Téhéran.
Washington n'a pas réagi à cette initiative-surprise.
Mais l'échange tendu devrait se poursuivre mercredi, quand l'Américain a convoqué une réunion inédite du Conseil de sécurité centrée sur l'Iran, qu'il présidera personnellement, suivie de peu d'une conférence de presse de l'Iranien.
Pour Ali Vaez, de l'International Crisis Group, multiplier les mises en garde ne feront pas "revenir les Iraniens à la table des négociations". "Il est crucial de faire baisser les tensions entre Téhéran et Washington, mais les insultes rendent cette hypothèse moins probable", a-t-il observé.
A la tribune de l'ONU, Donald Trump a une nouvelle fois martelé son attachement à la "souveraineté américaine" contre "l'idéologie du mondialisme", s'en prenant tour à tour aux pays de l'Opep, aux pratiques commerciales de la Chine ou encore la Cour pénale internationale (CPI) accusée de n'avoir "aucune légitimité".
Le président américain a aussi défendu avec force le bien-fondé des guerres commerciales qu'il a engagées sur plusieurs fronts, Chine en tête.
Fait rare dans cette prestigieuse enceinte où se rassemblent tous les ans les 193 Etats membres de l'ONU, le début de l'allocution du 45e président des Etats-Unis a été marqué par... quelques rires.
Reprenant un argument régulièrement développé sur les estrades de campagne, M. Trump a vanté ses succès économiques et affirmé avoir accompli plus depuis son arrivée au pouvoir que "quasiment toute autre administration" dans l'Histoire des Etats-Unis.
Lorsque que quelques rires ont fusé, il a a marqué une pause. "Je ne m'attendais pas à cette réaction, mais ça va", a-t-il répondu, amusé.
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