Deux jours après l'arrivée des anti-chavistes aux commandes du Parlement, le Venezuela a basculé dans une crise institutionnelle provoquée par l'affrontement entre le gouvernement de Nicolas Maduro et l'opposition, alors que le pays traverse déjà de graves turbulences économiques.
Mercredi, dans un signe de défi envers le pouvoir chaviste (du nom du président défunt Hugo Chavez), hégémonique depuis 1999, les députés de l'opposition, élus le 6 décembre et réunis sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD), sont passés outre la décision du Tribunal suprême de justice (TSJ) en investissant trois nouveaux députés anti-chavistes suspendus.
Désormais forte de 112 sièges sur 167 au Parlement unicaméral du Venezuela, la MUD revendique la majorité des deux tiers qui lui permet de convoquer un référendum, mettre en place une assemblée constituante, voire chasser le président Maduro via une réduction de la durée de son mandat. L'opposition se donne six mois pour le faire partir par la voie constitutionnelle.
Mais Nicolas Maduro et ses 55 députés du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) ne l'entendent pas de cette oreille. Dénonçant une violation de la Constitution, ils ont refusé de reconnaître les trois nouveaux parlementaires anti-chavistes et ont introduit un recours jeudi devant le TSJ, lui demandant de déclarer nulles les décisions du Parlement.
Si le pouvoir législatif est hors la loi, en marge de la Constitution et du pouvoir judiciaire, ce qu'il faut faire c'est ignorer les décisions qu'il prendra. Nous sommes face à un parlement illégal, dont les décisions sont illégales, nulles, a estimé le député Pedro Carreño au siège du TSJ.
Nous n'avons pas désobéi, ceux qui ont désobéi sont ceux qui n'ont pas respecté la volonté populaire après les élections, a rétorqué jeudi le nouveau président de l'Assemblée, Henry Ramos Allup, un anti-chaviste de 72 ans.
Au coeur de ce dialogue de sourds, le numéro deux du régime chaviste et ancien président du Parlement, Diosdado Cabello, s'est dit prêt à une longue lutte.
Il a également averti qu'aucune décision adoptée au Parlement ne serait publiée au journal officiel et qu'il allait demander au Trésor public de couper les vivres à l'Assemblée nationale.
Le régime, qui se livre aussi à une guerre d'image, a promis de tapisser Caracas de photos d'Hugo Chavez pour répondre à l'affront de l'opposition qui a décroché les portraits de l'ex-président du Parlement.
Le TSJ, la plus haute autorité judiciaire du pays, sera un acteur clé de la bataille institutionnelle qui s'est ouverte entre le Parlement d'opposition et le pouvoir chaviste en place, estiment les analystes. Or, l'opposition estime que le TSJ est acquis au chavisme, qui y a nommé de nouveaux juges fin décembre, et a nommé une commission pour enquêter sur cette affaire.
Au Venezuela, régime présidentialiste, le chavisme demeure puissant malgré sa défaite aux élections législatives car il concentre tous les autres pouvoirs: exécutif, armée, justice.
Jeudi, le président de la conférence épiscopale vénézuélienne (CEV), monseigneur Diego Padron, s'est dit confiant dans le fait que l'Assemblée prendra des mesures qui contribueront à l'apaisement et à la réconciliation, telles que l'amnistie pour les prisonniers politiques.
Pour faire face à la grave crise économique que traverse le pays et à ce qu'il qualifie de parlement bourgeois, le président Maduro a nommé mercredi un nouveau gouvernement en misant sur une ligne très à gauche en matière économique.
Le soutien du président à cette frange du chavisme et la mise à l'écart des pragmatiques ne permettent pas d'espérer des changements. Les perspectives d'un conflit institutionnel ne font qu'augmenter les risques d'une évolution négative de la situation économique nationale, a estimé l'économiste Luis Vicente Leon.
Le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves pétrolières du monde, a vu son économie s'effondrer ces derniers mois au même rythme que les cours du brut. Pénuries au quotidien et inflation galopante (200% selon les experts) suscitent un mécontentement populaire qui a profité à l'opposition.
Nous sommes dans une phase de transition très spéciale. Il y a une confrontation car il n'y avait pas de séparation des pouvoirs, a expliqué à l'AFP l'universitaire Mercedes Pulido.
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