Le président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné tôt mercredi matin à son domicile, un événement qui menace de déstabiliser un peu plus le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire.
L'annonce de l'assassinat a été faite par le Premier ministre par intérim Claude Joseph. "Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République", a-t-il déclaré.
"La situation sécuritaire est sous contrôle", a-t-il assuré. L'épouse du président a été blessée dans l'attaque qui a eu lieu vers 01H00 locale (05H00 GMT) et hospitalisée, a précisé M. Joseph. Il a appelé la population au calme et indiqué que la police et l'armée allaient assurer le maintien de l'ordre.
Il s'agit d'une attaque "terrible" et "tragique", a déclaré mercredi Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche, disant les Etats-Unis prêts à apporter leur aide au pays en crise. Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est lui dit "choqué" par un "acte odieux". En réaction, la République dominicaine a ordonné mercredi la "fermeture immédiate" de sa frontière avec Haïti, les deux pays se trouvant sur la même île. Les rues de la capitale Port-au-Prince étaient calmes mercredi matin, sans présence renforcée de la police ou des forces de sécurité, selon des témoins.
Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 sur une promesse de développement de l'économie du pays et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Actif dans plusieurs domaines économiques, dont l'exploitation de bananeraies, il n'avait alors quasiment aucune expérience en politique au moment de son élection et était très peu connu de ses compatriotes.
Haïti est gangrené par l'insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d'une quasi impunité. Une situation qui valait à Jovenel Moïse, accusé d'inaction face à la crise, d'être confronté à une vive défiance d'une bonne partie de la société civile.
Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers l'anarchie généralisée, le Conseil de sécurité de l'ONU, les Etats-Unis et l'Europe appelaient à la tenue d'élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d'ici la fin 2021. Jovenel Moïse avait annoncé lundi la nomination d'un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, avec justement pour mission la tenue d'élections.
Gouvernant par décret depuis janvier 2020, sans Parlement, et alors que la durée de son mandat faisait l'objet de contestations, Jovenel Moïse avait également mis en chantier une réforme institutionnelle. Un référendum constitutionnel initialement prévu en avril, reporté une première fois au 27 juin puis à nouveau en raison de l'épidémie de Covid-19, devait se tenir le 26 septembre. La réforme avait pour but de renforcer les prérogatives l'exécutif.
Mais c'est dans les rues de Port-au-Prince que la détérioration de la situation du pays était la plus évidente. Depuis début juin, des affrontements entre bandes rivales dans l'ouest de Port-au-Prince paralysent toute circulation entre la moitié sud du pays et la capitale haïtienne.
Des milliers d'habitants du quartier très pauvre de Martissant, disputé par les gangs, ont été contraints de fuir leur logement et ont dû être accueillis par des proches ou dans des gymnases. Le 30 juin, 15 personnes avaient été tuées dans une fusillade en plein Port-au-Prince, dont un journaliste, Diego Charles, et une militante politique d'opposition, Antoinette Duclair.
Sur le terrain politique, Jovenel Moïse aura nommé pas moins de sept Premiers ministres au cours de son mandat. Le dernier en date, Ariel Henry, n'aura pas pu entrer en fonction.
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