Le nouveau président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a définitivement tourné la page vendredi des trente-sept ans du règne autoritaire de Robert Mugabe sur le pays en prêtant serment devant des dizaines de milliers de partisans pleins d'espoir.
"Moi, Emmerson Dambudzo Mnangagwa, jure qu'en tant que président de la République du Zimbabwe je serai loyal à la République du Zimbabwe et obéirai, soutiendrai et défendrai la Constitution et les lois du Zimbabwe," a-t-il prêté serment dans un stade plein à craquer de la banlieue de Harare.
A 75 ans, M. Mnangagwa prend les rênes d'un pays ruiné, trois jours après la démission historique du plus vieux dirigeant en exercice de la planète, 93 ans, poussé vers la sortie par son armée, son parti et la rue.
Dès l'aube, les habitants de la capitale se sont bousculés aux portes du National Sports Stadium pour acclamer leur nouveau chef de l'Etat.
"Nous sommes très enthousiastes et nous attendons beaucoup de Mnangagwa", a confié une spectatrice, Sharon Mauyakufa, 23 ans, "nous vivons dans une dictature depuis très longtemps".
"Merci à nos soldats", "le peuple a parlé", proclamaient des bannières déployées dans le stade.
Robert Mugabe a été poussé vers la sortie par un coup de force de l'armée, qui a pris le contrôle du pays dans la nuit du 14 au 15 novembre après le limogeage de M. Mnangagwa.
Cacique du régime depuis l'indépendance du Zimbabwe en 1980, celui qu'on surnomme le "Crocodile" a été remercié sur ordre de la Première dame Grace Mugabe, qui lui disputait la succession de son mari, à la santé de plus en plus fragile.
Après avoir résisté plusieurs jours aux pressions des militaires, de son parti, la Zanu-PF, et de la rue, le "camarade Bob" a fini par capituler mardi en présentant sa démission, sous la menace d'une procédure de destitution devant le Parlement.
A la veille de son entrée en fonction, M. Mnangagwa s'est entretenu jeudi avec son prédécesseur, à qu'il a promis, ainsi qu'à sa famille, les "conditions de sécurité et de bien-être maximales", a rapporté le quotidien gouvernemental The Herald.
Trois jours après la chute du régime, le sort, notamment judiciaire, réservé au couple présidentiel restait mystérieux.
"Je ne sais pas ce qui a été négocié mais je peux vous dire qu'aucun Zimbabwéens ne souhaite que Mugabe soit poursuivi en justice ou pendu ou lynché", a déclaré un de ses ministres, Supa Mandiwanzira, "les gens veulent tourner la page".
Le porte-parole de l'ex-président, George Charamba, a pour sa part catégoriquement démenti que l'immunité lui avait été accordée, ainsi que l'ont rapporté plusieurs médias.
Un temps annoncé à la cérémonie d'investiture de son successeur, M. Mugabe ne devait finalement pas y apparaître. "Il n'est pas en état d'y venir", a déclaré M. Charamba.
De retour mercredi du bref exil sud-africain qui a suivi son limogeage, Emmerson Mnangagwa a affirmé qu'il ferait du redressement de l'économie sa priorité absolue. "Nous voulons des emplois", a-t-il promis.
Robert Mugabe a laissé derrière lui une économie ruinée par des réformes dévastatrices. L'activité y tourne au ralenti, l'argent manque et le spectre de l'hyperinflation rôde.
Avec un taux de chômage estimé à 90%, les Zimbabwéens vivent de petits boulots dans l'économie informelle. D'autres ont émigré, souvent chez le géant sud-africain voisin.
Les attentes de la population du Zimbabwe, sortie épuisée de l'ère Mugabe, sont énormes.
"Nous voulons que notre économie se redresse, nous voulons retrouver de l'argent dans les banques, on ne peut pas continuer à faire les poubelles", s'est exclamée Alice Mwanjeya, une mère de six enfants âgée de 57 ans venue assister à l'investiture.
"J'espère des changements", a renchéri Archiford Gwandiziva, un chômeur de 21 ans. "J'espère que nous allons retrouver la liberté de parole que nous avions perdu sous Mugabe, où nous étions arrêtés à la moindre critique du gouvernement".
Le profil et la personnalité du nouveau maître du Zimbabwe suscitent pourtant quelques inquiétudes.
Fidèle parmi les fidèles du régime, Emmerson Mnangagwa, proche de la hiérarchie sécuritaire, plusieurs fois ministre, traîne derrière lui une réputation d'exécuteur des basses oeuvres répressives de l'ex-président Mugabe.
Plusieurs ONG ont rappelé le lourd bilan du régime: "des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu ou ont été tuées", selon Amnesty International.
Soucieux de rassurer, M. Mnangagwa s'est présenté en "serviteur" du pays et a déjà appelé à plusieurs reprises "tous les patriotes zimbabwéens à travailler ensemble".
Le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), plaide pour un gouvernement d'union nationale jusqu'aux élections prévues en 2018.
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