Le gouvernement démissionnaire libyen, exilé dans l'Est, a reconnu ne plus contrôler les ministères et services de l'Etat à Tripoli, nouvelle illustration de la dérive d'un pays livré aux milices armées et incapable de mener à bien le processus de transition politique.
Cet aveu d'impuissance vient confirmer que la capitale est désormais aux mains des miliciens -islamistes pour la plupart- qui ont chassé le 22 août, au prix de violents combats, leurs rivaux, proches du gouvernement démissionnaire, de l'aéroport situé au sud de la ville.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 après huit mois de révolte armée, les différentes milices qui l'ont combattu font la loi dans ce pays plongé dans le chaos.
Dans un communiqué publié dans la nuit de dimanche à lundi, le gouvernement provisoire dirigé par Abdallah al-Theni a précisé que les milices armées empêchaient sous la menace les services de l'Etat de fonctionner dans la capitale.
M. Theni, qui avait annoncé jeudi avoir remis sa démission au Parlement élu le 25 juin, a été chargé lundi par cette même assemblée de former un cabinet restreint, comprenant une cellule de crise.
Ces deux institutions siègent dans l'Est, à Tobrouk, pour échapper à la pression des milices armées.
Les sièges des ministères et des services de l'Etat à Tripoli sont occupés par des miliciens armés qui empêchent les fonctionnaires d'y accéder et menacent leurs responsables, a dit le gouvernement.
Il a ajouté tenter d'assurer de loin la continuité de ces services en gardant le contact avec les responsables des ministères et des services de l'Etat.
M. Theni a accusé le 25 août les membres de la puissante milice Fajr Libya (Aube de la Libye), venant en majorité de la ville de Misrata (est de la capitale), d'avoir incendié et pillé sa résidence dans le sud de Tripoli après avoir pris l'aéroport de la capitale aux milices rivales de Zenten (ouest).
Des miliciens de Fajr Libya se sont installés dimanche dans l'une des annexes de l'ambassade des Etats-Unis, située non loin de l'aéroport de Tripoli, en affirmant vouloir ainsi contrôler ce complexe évacué le 26 juillet.
Un milicien a affirmé qu'ils s'y trouvaient pour empêcher les pillages et sécuriser les lieux, invitant les missions diplomatiques à revenir à Tripoli.
L'ambassadrice américaine Deborah Jones, réfugiée à Malte, a confirmé que seule une annexe résidentielle semblait avoir été prise par des miliciens.
Les Etats-Unis ont évacué tout leur personnel diplomatique de l'ambassade, qui s'était retrouvé pris depuis la mi-juillet au milieu de violents combats entre milices rivales sur la route de l'aéroport de Tripoli.
Le secrétaire d'Etat John Kerry avait alors indiqué que son pays avait suspendu ses opérations diplomatiques en Libye en raison d'un risque réel.
Sur le plan politique, Fajr Libya et les autorités réfugiées dans l'Est -gouvernement et Parlement- se livrent à un dialogue de sourds, qui éloigne la perspective d'une relance du processus de transition politique.
Fort de son succès militaire, Fajr Libya a annoncé son intention de former un gouvernement parallèle à Tripoli après avoir remis en selle l'Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN), dont le mandat a théoriquement expiré.
La milice accuse le nouveau Parlement de traîtrise et d'avoir été complice, avec le gouvernement, de raids aériens menés, selon elle, par les Emirats arabes unis, avec le soutien de l'Egypte, contre ses combattants lors d'affrontements pour le contrôle de l'aéroport de Tripoli.
Des médias locaux pro-islamistes ont annoncé lundi qu'une trentaine de Libyens avaient été arrêtés aux Emirats à la suite de ces raids.
Le Parlement, quant à lui, n'a cessé de dénoncer les exactions des miliciens de Fajr Libya, n'hésitant pas à les qualifier de groupe terroriste au même titre que les jihadistes d'Ansar Asharia, bien implantés à Benghazi dans l'est du pays.
Dix soldats y ont été tués lundi dans une attaque jihadiste sur l'aéroport civil et militaire de la ville. L'armée, bénéficiant d'un soutien aérien, a réussi à repousser l'assaut, selon un porte-parole militaire.
Dans ce contexte chaotique, la rentrée scolaire programmée pour dimanche n'a pas pu se dérouler normalement: elle a été reportée à Benghazi pour des raisons de sécurité et à Misrata à cause de l'état dégradé des écoles tandis qu'à Tripoli, peu d'élèves sont retournés à l'école vu l'insécurité.
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