Les tensions sont reparties de plus belle jeudi entre les Comores et la France, après la décision du gouvernement de Moroni de refuser d'accueillir une centaine de ses citoyens expulsés à ses yeux illégalement de l'île française voisine de Mayotte.
Mayotte est paralysée depuis un mois par un mouvement de contestation sociale largement nourri par l'immigration clandestine récurrente en provenance des Comores, où le revenu moyen par habitant est treize fois inférieur à celui du département français.
Selon des statistiques officielles françaises, les natifs de l'archipel représentaient en 2015 42% de la population mahoraise, qui les accuse de tous les maux.
Pour tenter de faire baisser la pression sociale, la préfecture de Mayotte a procédé depuis le début de la semaine à plusieurs centaines d'expulsions de personnes en situation irrégulière en direction des Comores.
Moroni a réagi en refoulant mercredi soir un bateau chargé de 96 d'entre eux, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le Gombessa a été bloqué pendant deux heures devant le port de Mutsamudu, la capitale de l'île comorienne d'Anjouan, avant d'être contraint à faire demi-tour.
Les autorités locales lui ont refusé d'accoster sur ordre du gouvernement, qui a publié mercredi une circulaire interdisant le retour sur son territoire des expulsés de Mayotte.
"Pour des raisons de sûreté et de sécurité, il est interdit aux compagnies maritimes et aériennes (…) d'embarquer à destination des autres îles sœurs toute personne considérée par les autorités qui administrent Mayotte comme étant en situation irrégulière, et ce jusqu'à nouvel ordre", indique le document.
Selon des sources proches de la capitainerie de Mutsamudu, près de 600 personnes ont été expulsées de Mayotte ces dix derniers jours.
Chaque année, quelque 20.000 personnes sont renvoyées de Mayotte vers l'archipel comorien.
Les clandestins refoulés à Anjouan ont été débarquées au port de Dzaoudzi, à Mayotte. Mais leur retour a provoqué une manifestation de plus d'une centaine d'habitants du port, hostiles à leur arrivée, selon plusieurs sources.
Le Premier ministre Edouard Philippe a demandé une action "ferme et déterminée" vis-à-vis du gouvernement comorien.
"Nous avons immédiatement approché les autorités comoriennes pour que cette décision soit rapportée, a déclaré à la presse sa porte-parole, Agnès von der Mühll.
La ministre des Outre-mer Annick Girardin a annoncé la nomination la semaine prochaine d'un "délégué du gouvernement" pour oeuvrer à de nouvelles mesures en faveur de Mayotte en plus des dispositions d'urgence déjà annoncées par l'exécutif.
Les flux migratoires entre les Comores et Mayotte suscitent des crises entre Moroni et Paris depuis de nombreuses années.
Les Comores, composées de quatre îles (Grande-Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte), ont proclamé leur indépendance de Paris en 1975 mais celle de Mayotte a alors décidé de rester dans le giron de la France.
Depuis, Moroni revendique la souveraineté sur ce département français et s'oppose aux expulsions de ses ressortissants.
Le gouvernement de Moroni a déjà refusé par le passé d'accueillir sur son sol des expulsés de Mayotte.
Un influent député de l'île, Mansour Kamardine (droite), a vivement réagi jeudi au refoulement du Gombessa et appelé le gouvernement français à "bloquer immédiatement toute délivrance de visa et titre de séjour" pour les Comoriens.
L'intersyndicale et le collectif à la tête du mouvement de contestation qui secoue Mayotte ont pour leur part estimé que le refoulement de ce bateau "légitime la position des Mahorais dans la poursuite du mouvement".
"Quand va-t-on enfin défendre nos propres compatriotes face à un comportement inadmissible des Comores ?", s'est exclamée la présidente du Front national (extrême droite) Marine Le Pen.
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