L'ancien diplomate algérien Lakhdar Brahimi a de nouveau appelé lundi "au dialogue" entre protestataires et pouvoir en Algérie pour aboutir au changement réclamé par la rue, en agitant l'exemple de l'Irak où le démantèlement des institutions a contribué à la dislocation du pays.
L'Algérie est le théâtre depuis le 22 février de manifestations monstres réclamant le départ du "système" à la tête de l'Etat, notamment celui du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans, et de son entourage.
"Le dialogue structuré, le dialogue organisé, est ce dont on a besoin. Et pour cela il faut commencer à parler" le plus tôt possible, a déclaré dans un entretien à la radio nationale M. Brahimi, 85 ans, chef de la diplomatie algérienne entre 1991 et 1993, puis Haut représentant de la Ligue arabe et de l'ONU.
Actuellement, "il y a un blocage, j'espère que ce n'est pas une impasse", a-t-il ajouté.
M. Bouteflika a renoncé le 11 mars à briguer un 5e mandat et reporté la présidentielle prévue le 18 avril à une date ultérieure, après la fin d'une Conférence nationale --dont la date n'est pas fixée-- censée réformer le pays et élaborer une nouvelle Constitution.
Ce faisant, il a prolongé son mandat actuel sine die, au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril, ce qu'ont massivement rejeté vendredi les manifestants.
Le "changement ne peut pas se faire tout seul, il ne peut pas intervenir d'un coup de baguette magique. Il faut que les gens s'assoient, mettent en forme un programme pour effectuer ce changement et arriver à la IIe République. C'est ce qui manque à l'heure d'actuelle", a expliqué M. Brahimi.
"En Irak, ils sont partis tous, mais regardez ce qui est arrivé", a-t-il souligné. Le démantèlement, après l'invasion américaine en 2003, du parti Baas au pouvoir et des organes de sécurité a contribué à la division confessionnelle du pays et in fine à la conquête par le groupe Etat islamique d'une partie du territoire.
Cette partie du territoire a depuis été reprise par les forces irakiennes qui ont annoncé leur victoire sur l'EI en décembre 2017.
M. Brahimi a nié vouloir ainsi "faire peur" aux contestataires. "Il faut avoir conscience des dangers qui existent: parler de l'Irak ou de la Syrie ce n'est pas essayer de dire à la population ne bougez plus (...) on leur dit avancez les yeux ouverts", a-t-il ajouté.
Estimant "compréhensible" la "position de la rue", il a dénoncé celle des dirigeants politiques et syndicaux d'opposition qui, en refusant de participer au processus voulu par le pouvoir, "suivent la rue au lieu d'essayer de diriger ce mouvement".
Réputé proche du chef de l'Etat il a également nié s'être vu confier un "mandat" pour "vendre" le plan de M. Bouteflika: "Je suis un citoyen algérien inquiet (...) pour mon pays".
"Je ne vois pas encore de porte de sortie à cette crise", a-t-il poursuivi. Voir "la population (...) dans les rues, d'un côté c'est très beau, c'est enthousiasmant, c'est encourageant, mais d'un autre côté, ça ne peut pas continuer indéfiniment comme ça".
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