Le président tchadien Idriss Déby, qui a déployé son armée au Nigeria pour y combattre Boko Haram, s'est plaint du peu de coopération d'Abuja face aux islamistes, s'étonnant de l'absence des militaires nigérians sur le terrain, dans un entretien au journal français Le Point.
Deux mois après le début de cette guerre (...) nous n'avons pas pu avoir un contact direct, sur le terrain, avec des unités de l'armée nigériane. L'armée tchadienne mène seule ses combats à l'intérieur du Nigeria, ce qui est un problème, a déclaré le président Déby, dans une interview à l'hebdomadaire Le Point.
Nous aurions souhaité qu'il y ait au moins une unité nigériane avec elle (l'armée tchadienne). C'était même une demande expresse auprès du gouvernement nigérian, mais pour des raisons que nous ignorons, jusque-là nous n'avons pas pu travailler ensemble. Certaines villes, nous avons dû les reprendre deux fois. On est obligé d'abandonner et Boko Haram revient, il faut revenir... Cela a un coût humain et matériel, a-t-il déploré.
Tout le monde se demande pourquoi l'armée nigériane, qui était une très grande armée, qui a résolu des crises en Afrique (...). Pourquoi n'est-elle pas en mesure de faire face à des gamins non formés, armés de kalachnikov? Cette question se pose, mais je ne peux pas vous donner la réponse, a ajouté M. Déby.
L'armée tchadienne a lancé début février une offensive terrestre au Nigeria depuis le Cameroun, en s'emparant de la ville nigériane frontalière de Gamboru après d'intenses combats.
D'autre troupes tchadiennes sont ensuite entrées au Nigeria depuis le Niger, et ont chassé les combattants de Boko Haram de plusieurs localités. Certaines de ces localités ont été néanmoins réoccupées par les islamistes, en l'absence de militaires nigérians, après que les soldats tchadiens eurent quitté les lieux pour continuer leur progression.
Le sang des morts qu'on compte chaque jour ces dernières années ne peut pas ne pas attirer l'attention des dirigeants du pays. Mais peut-être faudrait-il poser cette question au gouvernement nigérian ou au président du Nigeria, a souligné le président tchadien, interrogé sur la lenteur de la réaction nigériane face à Boko Haram.
Idriss Déby a également critiqué les négociations menées un moment par le président nigérian Goodluck Jonathan avec Boko Haram: j'avais même déconseillé au président Goodluck d'ouvrir des négociations avec un groupe terroriste (...). Mais c'était un choix politique du président Goodluck, entre la négociation et la guerre, il a choisi la négociation (...). A dire vrai, je l'ai dit directement au président Goodluck, pas une fois, mais deux fois au moins.
Il y a eu des émissaires (de Boko Haram), mais c'était pour gagner du temps, mieux se préparer et ensuite en tirer profit. Tout de suite après ces négociations, il y a eu des offensives qui ont permis (à Boko Haram de prendre) le contrôle total de toute la bande frontalière entre le Niger et le Cameroun. Toutes les villes en face du Tchad ont ainsi été contrôlées par Boko Haram, a rappelé le chef de l'Etat tchadien.
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