Les avocats de la défense des 34 ministres du dernier gouvernement du président burkinabè Blaise Compaoré ont quitté lundi le tribunal où ils doivent être jugés pour leur implication présumée dans la répression de l'insurrection populaire d'octobre 2014.
Les avocats qui étaient une quinzaine ont motivé leur décision par l'impossibilité pour leurs clients de faire appel d'un verdict rendu par la Haute Cour de Justice à Ouagadougou.
"Nous ne pouvons pas nous reconnaitre dans cette justice qui méprise la Constitution, les textes internationaux et les droits de la défense", a affirmé Me Antoinette Ouedraogo au nom de tous ses collègues à la sortie du tribunal.
Les avocats rejettent la Haute Cour arguant de son "inconstitutionnalité" car ses verdicts ne peuvent faire l'objet d'aucun appel ou recours alors que toute décision de justice doit pouvoir être contestée au moins une fois.
Créée en 1995 sous le régime de Blaise Compaoré dont elle s'apprête à juger le dernier gouvernement, la Haute cour de justice, restée inactive jusque-là, est la seule juridiction habilitée à juger le chef de l'Etat et des ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Cette juridiction qui se réunit pour la première fois de son histoire a été réactivée en avril 2015, avec le renouvellement de ses neuf membres, nommés pour trois d'entre eux par le président de la Cour de cassation et six députés par le Parlement.
"Nous étions venus animés de bonne volonté, déterminés à ce que le peuple sache ce qui s'est passé en 2014. Nous avons demandé une chose qui sont des devoirs, une obligation pour la Haute Cour. Ils l'ont refusée (...) C'est pourquoi nous avons décidé de partir. Ils feront leur justice mais ils la feront seuls", a poursuivi Me Ouedraogo.
"Dans ce pays, a-t-il dit, le peuple s'est insurgé pour protéger la Constitution. Cette constitution même qui dit que tout justiciable a droit à un procès équitable et ce procès équitable comprend entre autre le droit de faire appel d'une décision".
Or, la Haute cour de justice dans sa formulation actuelle dit clairement qu'il est interdit aux accusés ou aux prévenus à avoir ce droit élémentaire", a ajouté un autre avocat, Me Armand Bouyain.
Plusieurs spectateurs ont applaudi les avocats alors qu'ils quittaient la salle. Le président a suspendu l'audience sans que l'on sache quand elle allait reprendre.
Très attendu par les familles des victimes, le procès, devait initialement commencé le 27 avril. Il a déjà été renvoyé à deux reprises à la demande des avocats. Ceux-ci avaient introduit deux requêtes lundi, notamment celle sur l'inconstitutionnalité de la Haute Cour. Le fond n'a pas été abordé.
"On ne comprend plus rien avec ce qui se passe. D'abord c'était les reports et maintenant ce sont les avocats qui refusent d'assurer la défense. On espère que le procès reprendra. On va attendre de voir la suite", a déclaré à l'AFP Salif Ouédraogo, qui a perdu un frère lors de l'insurrection.
Les 34 ministres du dernier gouvernement Compaoré, dont une vingtaine étaient présents, sont poursuivis pour "complicité d'homicide volontaire et blessures volontaires" pour avoir participé "au Conseil extraordinaire des ministres du 29 octobre 2014 au cours duquel ils ont décidé de (faire appel à) l'armée pour réprimer les manifestants" contre la modification de la Constitution qui devait permettre à Compaoré de briguer un nouveau mandat.
Le "beau Blaise", resté 27 ans au pouvoir, est cité à comparaitre non en tant que président mais en tant que ministre la Défense, portefeuille sur lequel il gardait la haute main. Il ne sera pas dans le box des accusés puisqu'il vit en exil à Abidjan depuis sa fuite.
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