Au moins 140 personnes ont été tuées en Ethiopie ces deux derniers mois dans la brutale répression de manifestations, a rapporté Human Rights Watch (HRW). Elles ont été déclenchées par des craintes d'expropriations liées à un projet d'agrandissement de la capitale.
"Les forces de sécurité ont tué au moins 140 manifestants et en ont blessé de nombreux autres, selon des militants, ce qui pourrait être la plus importante crise en Ethiopie depuis les violences liées aux élections de 2005", qui avaient fait environ 200 morts, écrit Felix Horne, chercheur à HRW, dans un texte publié vendredi sur le site de l'organisation.
Ce nouveau bilan est pratiquement le double de celui de 75 morts donné le 19 décembre par l'ONG de défense des droits de l'Homme basée aux Etats-Unis. Le gouvernement éthiopien, dont le bilan officiel des manifestations fait état de 5 morts, n'a pas immédiatement réagi. Addis Abeba accuse les manifestants d'être responsables des violences.
Les manifestations ont commencé en novembre, à l'initiative d'étudiants opposés à un projet d'agrandissement programmé de la capitale Addis Abeb. Ce projet suscite des craintes d'expropriation de terres ancestrales du peuple oromo, le plus important groupe ethnique du pays, qui s'étendent de l'est au sud-ouest du pays.
"Les manifestations généralement pacifiques ont été déclenchées par les craintes que le projet d'expansion chasse les fermiers oromo de leurs terres, un nouveau grief des Oromo contre le gouvernement qui s'ajoute à une liste déjà longue", a expliqué Felix Horne.
M. Horne craint une escalade de la crise avec l'arrestation le 23 décembre de Bekele Gerba, 54 ans, vice-président du Congrès fédéraliste oromo (OFC), principal parti enregistré de la région Oromia. M. Bekele a passé quatre ans en prison après avoir été déclaré coupable en 2011 d'appartenance au Front de libération oromo (OLF), un groupe armé interdit.
"En usant d'une main de fer tant contre les hommes politiques d'opposition que contre les manifestants pacifiques, le gouvernement ferme la porte à la possibilité pour les Ethiopiens d'exprimer de façon non violente des revendications légitimes", s'inquiète M. Horne. "C'est une voie dangereuse qui pourrait mettre en danger la stabilité à long terme de l'Ethiopie."
Forte de 27 millions d'habitants, l'Oromia est la région éthiopienne la plus peuplée. Elle a sa propre langue, l'oromo, distincte de l'amharique, langue du peuple amhara et de l'administration.
Selon HRW, ces manifestations rappellent celles d'avril et mai 2014 dans l'Oromia, déjà au sujet de craintes d'accaparement de terres par le gouvernement. La police avait été accusée par des ONG d'avoir ouvert le feu et tué des dizaines de manifestants. Les autorités n'avaient fait état que de 8 morts.
En octobre dernier, Amnesty International avait accusé les autorités éthiopiennes d'abus systématiques - arrestations arbitraires, détentions illégales, torture, exécutions extra-judiciaires - contre les Oromo, perçus comme opposés au gouvernement.
Les manifestations contre le gouvernement sont rares en Ethiopie, où l'opposition est très faible. La tout-puissante coalition du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), qui dirige le pays d'une main de fer depuis 1991, est accusée d'étouffer toute contestation.
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