A 11 jours de la date-butoir du Brexit, Boris Johnson est sous pression dimanche pour sortir de la confusion, après avoir été contraint par son Parlement d'écrire à l'Union européenne pour lui demander un report du divorce tout en martelant ne pas en vouloir.
La journée de samedi, avec un vote prévu sur l'accord annoncé triomphalement à Bruxelles deux jours plus tôt, devait enfin apporter une clarification après plus de trois ans de saga suivant le référendum de 2016. Bilan: la décision est repoussée et les Européens se retrouvent dimanche matin avec trois lettres disant tout et son contraire. Et moins de deux semaines pour éviter une sortie sans accord qui donne des sueurs froides aux milieux économiques.
La première lettre, non signée, demande une prolongation de trois mois. La deuxième, signée du Premier ministre britannique, dit qu'il ne veut pas de ce délai. Et la troisième, de l'ambassadeur britannique auprès de l'UE, Tim Barrow, précise que le report n'a été demandé que pour se plier à la loi.
"Je vais commencer à consulter les dirigeants de l'UE sur la manière de réagir", a indiqué sur Twitter le président du Conseil européen Donald Tusk, après avoir parlé au téléphone avec Boris Johnson. Selon Downing Street, le dirigeant conservateur s'est également entretenu avec Emmanuel Macron et Angela Merkel. La présidence française a fait savoir qu'un "délai supplémentaire (n'était) dans l'intérêt de personne".
Pour le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, c'est une victoire : "malgré sa posture irritable et fanfaronne", Boris Johnson a dû "obéir la loi". "Son accord dommageable a été défait", a-t-il estimé sur Twitter samedi soir.
Le député John McDonnell, en charge des questions économiques au sein du Labour, a souligné de son côté que Boris Johnson "cherchait à saper la première lettre" demandant un report, en envoyant une "autre lettre contradictoire". "C'est du théâtre dans une certaine mesure (...) mais c'est aussi quelque chose de fondamental", a-t-il dit dans une interview sur la télévision Sky News, estimant que Boris Johnson n'était pas digne de confiance.
De son côté, la presse locale conservatrice fustigeait le Parlement dimanche matin. "Aujourd'hui, le Royaume-Uni aurait pu commencer à guérir avec la fin du purgatoire du Brexit. Mais à la place, les députés nous ont soumis à un report encore plus agonisant", écrivait The Mail on Sunday tandis que The Sunday Telegraph s'interrogeait : "Pourquoi ne nous laissent-ils pas partir ?".
La loi qui a forcé Boris Johnson à réclamer cette extension a été adoptée en septembre pour éviter un "no deal", Boris Johnson s'étant dit prêt à cette option s'il s'agissait du prix à payer pour sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne le 31 octobre. Elle stipule que si aucun accord de sortie n'était approuvé par le Parlement d'ici au 19 octobre, le Premier ministre doit réclamer un report du Brexit au 31 janvier 2020.
Boris Johnson espérait y échapper en faisant approuver samedi son nouvel accord de retrait de l'UE, qu'il avait arraché contre toute attente cette semaine à Bruxelles. Mais par l'un de ces coups de théâtre dont la démocratie parlementaire a le secret depuis le début de cette crise, la Chambre des Communes l'a contraint samedi à s'y conformer en repoussant son vote sur l'accord.
La nouvelle a été accueillie par des cris de joie par les centaines de milliers de manifestants europhiles qui marchaient, selon les estimations des médias britanniques, dans les rues de Londres pour réclamer un nouveau référendum.
Cette nouvelle journée folle à Westminster laisse le Royaume-Uni en plein flou sur la manière dont il va sortir de l'UE. Arrivé au pouvoir fin juillet sur la promesse de réaliser le Brexit à tout prix le 31 octobre, Boris Johnson est vent debout contre tout report de la sortie de l'UE, initialement prévue le 29 mars et déjà repoussée deux fois.
"Une nouvelle prolongation serait dommageable pour les intérêts du Royaume-Uni et de nos partenaires européens, comme pour nos relations", a-t-il insisté dans sa lettre à Donald Tusk. "Nous devons mener ce processus à sa conclusion".
Aussitôt après le vote des députés reportant leur décision samedi, il avait prévenu qu'il ne comptait pas "négocier" de report avec l'UE et assuré qu'il présenterait "la semaine prochaine" au Parlement la législation nécessaire à la mise en oeuvre de son accord de Brexit.
Le texte négocié à Bruxelles règle les conditions du divorce après 46 ans de vie commune, permettant une sortie en douceur assortie d'une période de transition courant au moins jusqu'à fin 2020.
Faute d'accord adopté, le Royaume-Uni est menacé d'un "no deal" redouté des milieux économiques, qui craignent le chaos aux frontières, des pénuries de produits alimentaires et médicaments et une poussée des prix, voire une récession.
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