Il a connu les geôles de Slobodan Milosevic, prôné l’émeute contre la tutelle serbe puis contre des dirigeants « usurpateurs », aspergé le Parlement de gaz lacrymogène: l’ancien leader étudiant Albin Kurti est devenu lundi le nouveau Premier ministre du Kosovo.
« C’est un nouveau chapitre dans la vie du Kosovo (…) je vais enfin avoir l’occasion et plus particulièrement la responsabilité de servir mon peuple », a déclaré Kurti, 44 ans, avant le débat parlementaire sur son cabinet.
L’ancien leader étudiant est un chef charismatique de Vetevendosje (Autodétermination), un parti de gauche nationaliste qu’il présente désormais comme étant de centre gauche.
Depuis plusieurs années, celui qui est surnommé le « Che kosovar » porte cravate et costume, mais sa maîtrise du verbe déclenche toujours l’enthousiasme dans ses meetings où se pressent jeunes, étudiants, travailleurs ou chômeurs, exaspérés par la précarité, le clientélisme et la corruption.
Après quatre mois de tractations, Kurti a trouvé un accord avec l’autre parti d’opposition arrivé en tête des législatives, la LDK (centre droit), devancé de justesse par Vetevendosje au scrutin d’octobre dernier.
Leur gouvernement de coalition a été validé lundi par le vote de 66 députés sur 120.
Albin Kurti devra aussi convaincre les Occidentaux qu’il n’est plus ce boutefeu qui faisait froncer les sourcils dans les ambassades, inquiètes de son rêve d’unification de tous les Albanais, ligne rouge pour les Serbes.
Il dit aujourd’hui que les conditions de ce projet politique ne sont pas réunies. Certes, à ses meetings ne flottait que le drapeau albanais, mais c’est parce que celui du Kosovo est identifié à « l’élite politique corrompue » qui l’a dirigé depuis la déclaration d’indépendance de 2008, assurait-il à l’AFP en octobre 2018.
Il a assuré de sa volonté de « mener le dialogue » avec la Serbie, d' »égal à égal », un dialogue portant sur la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade, au point mort depuis plus d’un an.
Longtemps considéré comme un dur par les Serbes, il aura pour interlocuteur le président Aleksandar Vucic. Lui-même ancien ultranationaliste adepte de la grande Serbie converti au centrisme conservateur pro-européen, le Serbe s’est dit prêt à parler à Albin Kurti en qui Belgrade voyait en juin 2017 « le promoteur d’un conflit ».
Albin Kurti, qui jugeait en 2018 inéluctable son arrivée au pouvoir, assurait alors qu’il se garderait de verser dans l’autoritarisme dont l’accusent ses détracteurs. Des membres de Vetevendosje sont partis, l’accusant de n’avoir pour objectif que de devenir « le prochain père de la Nation ».
« Je serais juste. Ni fort, ni faible », avait-il alors répondu à l’AFP. Il n’a jamais été cité dans des affaires de corruption, singularité notable dans la classe politique kosovare, qui est pour beaucoup dans sa popularité.
Albin Kurti est arrivé au pouvoir en adoucissant son image tout en gardant l’aura de son passé de leader étudiant, organisateur de manifestations anti-Milosevic qui tournaient à l’émeute.
Il a passé plus de deux ans dans les prisons serbes (1999-2001) avant de se muer en opposant aux chefs de la guérilla indépendantiste albanaise qui ont mené la lutte contre les forces serbes (1998-99) et qui étaient aux commandes du Kosovo depuis la proclamation d’indépendance.
Il affirme que « le programme de Vetevendosje est social-démocrate depuis 2013 », mais en mars 2018, il incitait encore ses députés à asperger de gaz lacrymogène l’Assemblée pour empêcher l’adoption d’une loi.
Aux législatives de 2017, son parti Vetevendosje était sorti en tête, mais la route du pouvoir lui avait été barrée par une alliance des partis des anciens commandants de la guérilla, soulageant les Occidentaux.
Mais, selon l’analyste politique Imer Mushkolaj, ceux-ci n’ont désormais plus « aucune raison de ne pas soutenir un nouveau gouvernement mené par Kurti » car, affirme-t-il « il ne dirigera pas le Kosovo comme il a dirigé l’opposition ».
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