Une Catalogne "indépendante" serait automatiquement exclue de l'UE, qu'elle ne pourrait rejoindre qu'après un nouveau processus d'adhésion. Mais encore faudrait-il que cette démarche respecte certaines conditions lui permettant d'être validée par les 28.
Les Etats membres de l'UE "ne reconnaîtront pas la Catalogne comme un Etat dès lors qu'elle serait née en violant le droit et notamment la Constitution de l'Espagne", prévient d'emblée Jean-Claude Piris, juriste spécialiste du droit européen.
Le référendum d'indépendance de la Catalogne a été organisé malgré son invalidation par la Cour constitutionnelle espagnole, dont les décisions ont servi de base au gouvernement espagnol pour tenter d'empêcher le vote, au prix parfois d'un recours décrié à la force.
Le scrutin n'a par ailleurs pas bénéficié des garanties habituellement exigées (commission électorale, assesseurs, listes électorales publiques, vote secret...), rendant improbable la reconnaissance par les 28 d'une indépendance de la Catalogne proclamée sur cette base.
Si à l'issue d'une médiation Madrid consentait à organiser une nouvelle consultation "légale", respectant à ses yeux la Constitution espagnole, le résultat pourrait ouvrir la voie à une déclaration d'indépendance reconnue par la communauté internationale, à commencer par l'Union européenne. A ce stade, ce scénario semble toutefois hautement improbable.
Les traités fondateurs de l'UE ne prévoient pas la marche à suivre en cas de scission d'une partie du territoire d'un Etat membre, mais la Commission européenne se base depuis 13 ans sur la "doctrine Prodi", du nom de Romano Prodi, ancien président de l'exécutif européen.
Cette "position juridique" établit le principe selon lequel un Etat né d'une sécession au sein de l'UE ne serait pas automatiquement considéré comme faisant partie de l'Union.
"Une région nouvellement indépendante deviendrait, du fait de son indépendance, un pays tiers par rapport à l'Union et tous les traités ne s'appliqueraient plus à son territoire dès le premier jour de son indépendance", avait affirmé M. Prodi en 2004.
Il lui faudrait donc "se porter candidate pour devenir un membre de l'Union", puis des négociations seraient engagées pour l'intégrer à l'UE après un feu vert -à l'unanimité- des 28 Etats membres.
Ces négociations seraient toutefois différentes de celles actuellement en cours avec des pays des Balkans ou la Turquie, auxquels l'Union demande au préalable d'harmoniser leur législation avec la sienne, mais aussi de s'aligner sur sa politique étrangère et de respecter ses normes en matière de droits de l'Homme et d'Etat de droit.
Avec la Catalogne, qui fait actuellement partie d'un pays de l'UE, "ce serait certes moins difficile (...) car il y aurait déjà une convergence réglementaire", observe un diplomate à Bruxelles.
Des experts estiment toutefois qu'en cas d'indépendance reconnue, les Européens n'auraient aucun intérêt à aller jusqu'au bout de la "doctrine Prodi".
"Une fois le Rubicon de l'indépendance franchi, l'Europe aurait tout à perdre à mettre ces Etats en quarantaine: ses entrepreneurs ne pourraient plus y investir, ses jeunes y étudier, ses travailleurs y circuler librement, ses pêcheurs y naviguer...", note le magistrat français Yves Gounin, dans un article pour la revue Politique étrangère.
Plaidant auprès de l'AFP pour que le "réalisme" l'emporte sur "l'orthodoxie", il estime que "la solution la plus raisonnable serait de négocier simultanément l'indépendance et l'adhésion à l'Union européenne".
En attendant, la Catalogne devrait pouvoir continuer à utiliser l'euro. Cette devise de référence à l'international est déjà utilisée comme monnaie nationale en dehors de l'UE, parfois d'un commun accord avec Bruxelles, comme c'est le cas à Monaco, parfois sans l'aval de Bruxelles, comme au Kosovo qui a déclaré son indépendance en 2008.
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