Le président italien Sergio Mattarella a chargé mercredi Giuseppe Conte, un avocat et professeur de droit proposé par les antisystème et l'extrême droite, de former le prochain gouvernement, à l'issue de 80 jours de tractations après les législatives.
"Le président de la République, Sergio Mattarella, a reçu cet après-midi le professeur Giuseppe Conte, auquel il a donné le mandat pour former le gouvernement", a déclaré à la presse le secrétaire général de la présidence, Ugo Zampetti.
Le nom de M. Conte avait été proposé lundi soir par le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite), qui ont élaboré un programme commun résolument anti-austérité et sécuritaire.
"Là dehors, il y a un pays qui attend la naissance d'un gouvernement du changement et qui attend des réponses", a déclaré M. Conte devant la presse après près de deux heures d'entretien avec M. Mattarella.
"Je me propose d'être l'avocat de la défense du peuple italien", en particulier "devant les instances européennes et internationales", a-t-il ajouté en évoquant un "dialogue" avec les institutions européennes.
"Je suis conscient de la nécessité de confirmer la place de l'Italie en Europe et dans le monde. Le gouvernement devra oeuvrer sur les thèmes du budget européen, de la reforme du droit d'asile et de l'aboutissement de l'union bancaire", a-t-il insisté sans plus de précision.
Arrivé en taxi, il est également reparti en taxi, mais désormais accompagné d'une escorte policière.
M. Mattarella a hésité 48 heures avant de le nommer, peu convaincu de l'autorité de ce discret professeur de droit de 53 ans sans expérience politique face aux poids-lourds de la Ligue et du M5S qui devraient devenir ses ministres.
Il a annoncé qu'il reviendrait "dans les prochains jours" présenter au président la liste de ses ministres, qui fait l'objet d'âpres négociations entre le M5S et la Ligue.
Une fois validé par M. Mattarella, le gouvernement devra se présenter devant la Chambre des députés et le Sénat pour obtenir leur confiance.
Selon les médias italiens, M. Salvini, patron de la Ligue, devrait devenir ministre de l'Intérieur, tandis que Luigi Di Maio, chef de file du M5S, hériterait d'un grand ministère du Développement économique.
Le nom qui pose le plus de problèmes est celui que la Ligue veut imposer pour le portefeuille de l'Economie: Paolo Savona, un ancien ministre (1993-1994) de 81 ans considérant l'euro comme une "cage allemande" pour l'Italie.
Garant du respect des traités internationaux, M. Mattarella, élu par un Parlement à majorité de centre gauche, tient à s'assurer que l'Italie respectera ses engagements européens.
Le programme commun négocié par le M5S et la Ligue tourne en effet le dos à l'austérité et promet de combler les déficits avec une politique de croissance. Il prévoit des baisses drastiques d'impôts, l'instauration d'un revenu de citoyenneté ou encore l'abaissement de l'âge de la retraite dans le deuxième pays le plus vieux du monde.
De quoi inquiéter à Bruxelles, où le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a appelé mercredi l'Italie à apporter "une réponse crédible" sur sa dette publique, la deuxième plus élevée de la zone euro après la Grèce.
De quoi aussi rendre les marchés financiers nerveux: mercredi, la Bourse de Milan a perdu mercredi 1,31% tandis que le spread - l'écart très regardé en Italie entre les taux d'emprunt italien et allemand à dix ans - a clôturé à 191 points (+60 en huit jours).
Sous l'impulsion de la Ligue, le programme commun promet aussi un tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam.
Interrogé à ce sujet alors qu'il recevait des responsables de l'Union africaine, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a promis de rester "attentif pour sauvegarder les droits des Africains qui sont en Italie".
Depuis mardi, la crédibilité de M. Conte a été ternie par quelques lignes sur son CV où il évoque des travaux de "perfectionnement juridique" auprès d'universités prestigieuses, dont plusieurs ont cependant déclaré ne pas avoir la trace.
Ses passages se sont en général limités à des recherches personnelles pendant l'été dans leur bibliothèque, et il n'en a pas fallu plus pour que les commentaires caustiques fusent dans la presse comme sur les réseaux sociaux.
"Ils ne savent plus quoi inventer contre un citoyen honnête et honorable", a rétorqué M. Di Maio.
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