Le président du Bélarus Alexandre Loukachenko a accusé jeudi à la fois la Russie et la Pologne d'ingérence dans la présidentielle du 9 août, en pleine campagne de répression dénoncée par l'opposition, des affirmations rejetées par le Kremlin.
Les ingérences proviennent "d'un côté comme de l'autre, de ceux en Pologne et de ceux en Russie. On va en parler avec le président (Vladimir) Poutine très bientôt lors d'une rencontre, mais la situation est très difficile", a dit le chef d'Etat bélarusse, selon des propos publiés par la présidence.
Il a dénoncé le recours aux "technologies de falsifications les plus modernes" et des "fake" news diffusés sur internet depuis la Russie pour discréditer son régime. M. Loukachenko n'a pas précisé ses reproches à l'égard de Varsovie, un ennemi juré de Moscou.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a balayé ces accusations, mais indiqué que MM. Loukachenko et Poutine se sont rencontrés mercredi à Moscou en marge du défilé marquant la fin de la Seconde guerre mondiale et qu'une nouvelle rencontre pourrait avoir lieu le 30 juin, à l'occasion de l'inauguration en Russie d'un monument aux morts du conflit.
La Russie "ne s'est pas ingérée, ne s'ingère pas et ne s'ingèrera jamais dans les processus électoraux des autres, en particulier les processus électoraux chez notre allié le Bélarus", a-t-il dit, selon l'agence Tass.
M. Loukachenko s'est notamment emporté jeudi contre des publications sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie accusant l'un de ses fils de disposer de 840 millions de dollars sur des comptes en Suisse, ou encore affirmant que "les services de sécurité sont contre le président". "Les voilà ces fakes, on doit vivre avec, mais il faut garder la tête sur les épaules et dire aux gens ce qu'il en est", a-t-il dit, alors que son régime est accusé de se maintenir au pouvoir par la peur, la corruption et le népotisme.
M. Loukachenko avait déjà dénoncé récemment des mèmes à succès de l'opposition, l'ayant affublé du surnom "Sacha 3%", le diminutif de son prénom et son taux de popularité selon ses détracteurs.
Les accusations d'ingérence visant des pays occidentaux sont chose courante au Bélarus, dirigé par Alexandre Loukachenko depuis 1994 et candidat à un 6e mandat, mais c'est la première fois qu'il vise de manière aussi virulente la Russie. Ses relations avec Moscou se sont dégradées, sur fond de dispute sur le tarif des livraisons pétrolières russes.
M. Loukachenko avait dénoncé l'année passée les efforts russes pour accélérer l'approfondissement de l'Union Russie-Bélarus, y voyant une tentative de faire de Minsk un vassal. Le président bélarusse, en fonction des désaccords avec Moscou, alterne depuis des années entre appels du pied à l'Union européenne et ligne pro-russe.
Ses accusations jeudi interviennent en pleine campagne de répression dénoncée par l'opposition, deux de ses concurrents potentiels à la présidentielle du 9 août ayant été incarcérés ces dernières semaines.
M. Loukachenko avait sous-entendu que l'un d'entre eux, Viktor Babaryko, était soutenu par Moscou. Cet ex-patron d'une banque filiale du géant gazier russe Gazprom est en détention préventive depuis la semaine dernière, accusé de "fraude" et de "blanchiment d'argent". Se présentant comme le défenseur des entrepreneurs, il s'était lancé dans la campagne en critiquant le système économique bélarusse, largement contrôlé par l'Etat.
Avant les déboires de Viktor Babaryko, d'autres rivaux déclarés de M. Loukachenko ont été inquiétés. Sergueï Tikhanovski, blogueur dénonçant la corruption du président bélarusse avec le slogan "STOP au cafard", a été arrêté fin mai et inculpé notamment pour "troubles à l'ordre public".
Puisqu'il est dans l'incapacité de se présenter, son épouse Svetlana Tikhanovskaïa cherche à le faire à sa place. Elle a dit avoir reçu des menaces. Et M. Babaryko et Mme Tikhanovskaïa disent avoir récolté les parrainages nécessaires à leur candidatures.
Ces nouveaux visages avaient dynamisé la campagne présidentielle au Bélarus, où les scrutins sont d'habitude une formalité. L'an dernier l'opposition n'a obtenu aucun siège aux législatives.
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