Le président turc Recep Tayyip Erdogan a achevé samedi sa visite d'Etat en Allemagne par l'inauguration d'une grande mosquée à Cologne, marquée par des manifestations sous haute protection policière.
Le chef de l'Etat, doté de pouvoirs accrus depuis le début de son nouveau mandat en juillet, a inauguré samedi après-midi avec son épouse ce lieu de culte, un des plus vastes d'Europe, financé par l'Union des affaires turco-islamiques (Ditib), étroitement liée au pouvoir turc.
Il s'agissait de l'ultime étape du déplacement en Allemagne de M. Erdogan, qui s'efforce de tourner la page de deux années de tensions avec Berlin. Une visite dont il a salué le bilan "très fructueux", après les "tensions récentes", dans un discours à la mosquée de Cologne.
Vendredi, il s'est entretenu avec Angela Merkel, avant d'être l'invité d'un banquet boudé par une partie de la classe politique allemande, dont la chancelière. Les deux dirigeants se sont toutefois retrouvés samedi matin pour un petit-déjeuner, avant que M. Erdogan ne gagne Cologne.
Dans cette ville, il a une nouvelle fois appelé l'Europe à lutter contre les "terroristes" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes) et les partisans de l'opposant Fethullah Gülen, qui ne devraient selon lui "trouver aucun abri" sur ce continent.
Il a aussi apporté une nouvelle fois un soutien appuyé au footballeur allemand d'origine turque Mesut Özil, "mis à l'écart" en raison de ses origines. Le joueur a claqué la porte de la "Mannschaft", accusant de "racisme" une partie de la fédération. Il avait été au coeur d'une polémique en posant, en pleine campagne présidentielle turque, avec M. Erdogan.
Environ 2.000 opposants au président turc, dont de nombreux Kurdes, ont manifesté à Cologne sous le mot d'ordre "Erdogan n'est pas le bienvenu". "Erdogan pense que tout ce qui diffère de son opinion est du terrorisme. Je suis ici pour montrer ma solidarité" avec les opposants", a dit Cansu, un étudiant de 30 ans qui s'est spécialement déplacé de Suisse.
Des centaines de partisans du chef de l'Etat, agitant des drapeaux turcs, se sont aussi mobilisés.
"Les autres pays ne le soutiennent pas forcément, mais ce qu'il a fait pour son peuple est apprécié, sinon il n'aurait pas été démocratiquement réélu", a expliqué Yusuf Simsek, un informaticien turc de 42 ans, "déçu que nous n'ayons pas été autorisés à nous approcher de la mosquée".
Les autorités de Cologne ont en effet restreint pour des raisons de sécurité l'accès à la grande mosquée, un édifice susceptible d'accueillir des milliers de fidèles.
Le chantier avait débuté en 2009 et, malgré de nombreuses oppositions et controverses locales, de premiers fidèles ont pu aller y prier dès 2017, avant l'inauguration officielle samedi.
Avec ses minarets de 55 mètres de haut et une grande coupole de 36 mètres, cet édifice de béton et de verre, censé incarner l'ouverture, selon son architecte Paul Böhm, est une des plus imposantes mosquées d'Europe. Située dans le quartier d'Ehrenfeld, non loin de la tour de télévision de Cologne, sa superficie atteint 4.500 m2.
Comme le banquet vendredi soir à Berlin, l'inauguration a été boudée par une partie des dirigeants politiques du Land (Etat régional). Ils reprochent à Ditib l'opacité qui a entouré le déroulement du chantier et le fonctionnement de la mosquée.
Des élus accusent aussi cette institution religieuse de défendre les intérêts du régime de M. Erdogan car elle gère 900 lieux de culte en Allemagne avec des imams en provenance de Turquie. Ses détracteurs affirment même qu'elle espionne les opposants au président turc.
Avec cette visite d'Etat, la Turquie, minée par une crise économique aigüe et en froid avec les Etats-Unis de Donald Trump, tente un rapprochement avec l'Allemagne, où vivent trois millions de personnes de nationalité ou d'origine turque.
Le gouvernement allemand, dont M. Erdogan dénonçait en 2017 les supposées "pratiques nazies", se montre ouvert à ce réchauffement, malgré les "différences profondes" qui subsistent, pour reprendre les termes utilisés par Mme Merkel.
Cette approche ne convainc pas une partie de la formation politique de la chancelière. Cette visite d'Etat est intervenue "beaucoup trop tôt", les "malentendus mutuels" persistent, a ainsi estimé samedi le président CDU de la commission des Affaires étrangères du Bundestag (la chambre basse du parlement), Norbert Röttgen.
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