Le Kosovo se dote vendredi d'une armée pour affirmer sa souveraineté, avec le soutien des Américains et au risque d'envenimer ses relations avec la Serbie, qui ne reconnaît pas l'indépendance de son ancienne province.
Le Parlement a entamé en milieu de matinée l'examen de trois lois: la première instituant un ministère de la Défense a rapidement été votée; une deuxième doit modifier le mandat des Forces de sécurité du Kosovo (KSF), aujourd'hui surtout chargées de missions de sécurité civile; et une dernière concerne sa future organisation.
L'issue du vote, boycotté par les dix élus de la minorité serbe, ne fait pas de doute, les partis kosovars albanais étant unanimes avant ce vote qualifié d'"historique" par les médias locaux.
Avant l'ouverture de la session, aucun incident n'avait été relevé dans les secteurs du Kosovo majoritairement peuplés de serbes, notamment dans la ville divisée de Mitrovica.
Sa partie serbe s'est parée de drapeaux serbes, tandis que le côté albanais, au sud de la rivière Ibar, s'est pavoisé du drapeau des Etats-Unis, le plus solide soutien de Pristina, qui ont soutenu la création de cette armée.
"Soldats! Félicitations! Nouvelles missions!": le président Hashim Thaçi avait revêtu jeudi son treillis pour s'adresser aux KSF.
Il a assuré que la nouvelle armée serait au service de tous les citoyens, quelles que soient leurs appartenances ethniques, une décennie après la proclamation d'une indépendance reconnue selon Pristina par quelque 115 pays.
Celle-ci est rejetée par Belgrade, mais aussi notamment par la Russie et la Chine qui ferment au Kosovo la porte de l'Onu.
La Kfor, une force internationale menée par l'Otan, garantit la sécurité et l'intégrité territoriale du Kosovo depuis la guerre entre forces serbes et rebelles kosovars albanais (1998-99, plus de 13.000 morts).
"Maintenant, nous pouvons dire que nous sommes un Etat. Un Etat sans armée, cela n'existe pas", dit Skender Arifi, un coiffeur de 37 ans.
A Belgrade comme parmi les 120.000 Serbes qui vivent toujours au Kosovo, cette armée est accueillie par un mélange d'inquiétude et de colère.
"J'espère que si les Albanais (du Kosovo) entreprennent quelque chose contre nous, l'Etat serbe fera quelque chose pour nous protéger", commente Marko Djusic, habitant de Dren, village serbe du nord du Kosovo.
Cette nouvelle crise intervient dans un contexte tendu, avec un dialogue au point mort depuis des mois, et la mise en place par Pristina en novembre d'une barrière douanière sur les produits serbes.
Le Kosovo "est mon pire cauchemar, je vais me coucher avec, je me réveille avec, et je ne dors pas beaucoup", a commenté le président serbe Aleksandar Vucic.
Son cabinet a répété jeudi son "énorme inquiétude pour l'avenir" de la minorité serbe et prévenu que la création d'une armée "empirera significativement la situation".
L'enjeu est autant politique que militaire. Selon les analystes au Kosovo, il faudra près d'une décennie pour que soit achevée la transformation en armée des KSF.
Aujourd'hui forts de 2.500 membres, leurs effectifs doivent passer à 5.000, plus environ 3.000 réservistes, loin des quelque 30.000 soldats que compterait l'armée serbe selon les estimations.
Au Kosovo comme à Belgrade, l'option d'une escalade militaire n'est pas jugée crédible par les analystes, même si la Première ministre serbe Ana Brnabic a récemment assuré qu'elle était "sur la table".
Sous couvert d'anonymat, une source diplomatique à l’Otan ne dissimule toutefois pas son inquiétude: si le souhait de se doter d'une armée est "légitime", cela devrait être fait "de façon progressive afin d’éviter l’escalade".
Tout en assurant que la Kfor continuerait d'assurer la sécurité du Kosovo, le secrétaire-général de l'Otan, Jens Stoltenberg a émis des réserves sur cette initiative.
Les responsables kosovars sont toutefois confortés par le soutien public de la Grande-Bretagne mais surtout des Etats-Unis, leur plus proche allié.
Jeudi, l'ambassadeur américain à Pristina Philip Kosnett a souhaité qu'après la création de l'armée, les responsables de la région "concentrent leur énergie sur le dialogue" en vue de trouver un accord de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.
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