Italie : le retour du caïman

04/02/2018
Italie : le retour du caïman

Silvio Berlusconi

On le disait politiquement mort, en déclin inexorable, mais Silvio Berlusconi, 81 ans, est de retour sur le devant de la scène politique italienne, à un mois d'élections législatives qu'il entend bien gagner, à droite toute.

Mais le "caïman", l'un de ses nombreux surnoms, revient de loin. "Forza Italia" (FI), le parti de M. Berlusconi, "a eu ces dernières années un leader qui, pour diverses raisons, n'a pas été très présent sur le marché électoral", rappelle Antonio Noto, directeur d'un institut de sondage italien.

Et pour cause. Entre ses problèmes judiciaires --il est inéligible pour fraude fiscale depuis 2013--, de santé --une opération à coeur ouvert en 2016--, la perte de son club --l'AC Milan vendu au Chinois-- et les attaques du géant français Vivendi contre son propre empire médiatique Mediaset, Silvio Berlusconi a été particulièrement absent de la scène politique nationale.

"Cette absence du leader a certainement entraîné un passage de votes depuis FI vers le Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste). Aujourd'hui Berlusconi reprend une partie de cet électorat", assure M. Noto.

Il y a un an, en février 2017, FI plafonnait aux alentours de 12%, un point de moins que son allié et concurrent à droite, la Ligue du Nord (LN) de Matteo Salvini, parti d'extrême droite, proche du Front national français.

Aujourd'hui, FI recueille plus de 18% des intentions de vote contre environ 13% pour LN, selon les derniers sondages.

L'enjeu est de taille car FI et LN, les deux piliers de la coalition de quatre partis de droite et d'extrême droite, ont un accord: le parti qui prend ne serait-ce qu'une voix de plus que l'autre désignera le futur chef du gouvernement.

Et les sondages actuels disent que s'il y a un camp politique en mesure, peut-être, de remporter la majorité des sièges du Parlement, c'est celui de droite. Ni la gauche ni les populistes ne s'en rapprochent aujourd'hui.

Silvio Berlusconi, 81 ans depuis septembre dernier, a longtemps fait du contrôle de son image une obsession, n'hésitant pas à recourir à des implants capillaires ou de multiples liftings au point d'afficher aujourd'hui un sourire quelque peu figé.

Et s'il n'a pas renoncé à contrôler cette image, il joue désormais sur un autre registre.

"Il cherche à faire passer le message que la vieillesse n'est pas un moment de déclin et de décadence, mais une phase de la vie pleine de sagesse et d'expérience", estime M. Noto, pour qui il cherche ainsi à "renouer un lien sentimental avec son électorat classique", qui a vieilli avec lui.

Sa santé a pourtant suscité des inquiétudes au sein de son parti ces derniers jours, Silvio Berlusconi ayant annulé sa participation à plusieurs émissions télévisées et radiophoniques alors que la campagne électorale bat son plein.

"Le seul qui puisse y arriver (à remporter des voix, ndlr) depuis son lit d'hôpital est Silvio Berlusconi. D'autant plus maintenant qu'il ne va pas bien et qu'il génère une vague de sympathie dans le peuple italien", a ainsi estimé Roberto D'Alimonte, politologue auprès de l'université Luiss de Rome.

Contraint de céder le pouvoir en 2011 alors que l'Italie s'enfonce dans la crise sous le regard inquiet de ses partenaires européens, Berlusconi laisse un bilan très critiqué de ses années de pouvoir. 

Alors pourquoi ce retour ? Haï par une partie de l'Italie, il reste néanmoins un personnage adulé par une "autre" Italie, plutôt âgée, qui ne demande qu'à y croire à nouveau.

"Ciao président, j'ai toujours eu confiance en toi, tu es d'une intelligence supérieure et seuls les médiocres et les ratés critiquent tes succès dans tous les domaines", écrit ainsi cette semaine Umberto Antonelli, la cinquantaine, sur le compte Facebook de Silvio Berlusconi.

Eclipsé depuis 2013, Silvio Berlusconi a enfin retrouvé le rôle central qu'il aime tant: si la droite gagne, il choisira le Premier ministre, avant qui sait de le remplacer si son inégibilité est levée. Et si une nouvelle "grande alliance" gauche-droite s'avère nécessaire pour former le gouvernement, comme en 2013, il sera encore l'homme-clé dont l'accord est indispensable.

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