Il se voit aux portes du pouvoir dans la confusion du Brexit: le chef du Parti travailliste britannique, l'eurosceptique Jeremy Corbyn, profite du cinglant désaveu infligé par le Parlement à la Première ministre Theresa May pour avancer ses pions.
M. Corbyn, 69 ans, a déposé une motion de censure contre le gouvernement, qui sera débattue mercredi. Il espère une défaite aussi cuisante que la veille pour Mme May, le Parlement ayant rejeté l'accord de Brexit avec 230 voix d'avance.
Depuis le référendum de juin 2016 qui a décidé la sortie du Royaume-Uni de l'UE, Jeremy Corbyn a entretenu l'ambiguïté face au Brexit, dans un parti aux députés très majoritairement europhiles.
Il a résisté aux pressions de la base du parti et des syndicats qui souhaitent un nouveau référendum sur le sujet. Mais il a précisé au fur et à mesure sa position, appelant à un accord de retrait qui maintienne l'union douanière avec l'UE et améliore les droits des travailleurs.
Personne ne donnait cher de sa peau, pourtant, lorsqu'il a remporté à la surprise générale le vote des adhérents du parti en 2015. Considéré comme un rêveur gauchisant, le presque septuagénaire à la barbe blanche a pourtant survécu à maintes cabales et assis son autorité, avec le soutien indéfectible d'un mouvement, "Momentum", situé très à gauche au sein du Labour.
"Il a un contrôle total sur le parti à l'exception de la question du Brexit" sur lequel les voix dissonantes se font entendre, soulignait pour l'AFP Tim Bale, professeur à l'Université Queen Mary de Londres. Car "à la fois la base et certains syndicats aimeraient clairement que le Labour fasse évoluer sa position en essayant d'arrêter le Brexit, par exemple en soutenant un second référendum".
Le leader travailliste a plutôt mis l'accent sur les sujets sociaux, comme la lutte contre le chômage ou la pauvreté. Défendant une hausse des investissements publics, la renationalisation de certains services comme le chemin de fer, ou le contrôle des loyers, Jeremy Corbyn a pris pour principale cible les mesures d'austérité du gouvernement conservateur de Theresa May.
Né le 26 mai 1949, Jeremy Corbyn a développé son sens de l'engagement politique auprès de ses parents, un ingénieur et une enseignante, tombés amoureux lors d'une manifestation contre la guerre civile espagnole.
Élevé dans l'ouest de l'Angleterre, il ne se passionne guère pour les études. Bac en poche, il part deux ans en Jamaïque pour le compte d'une association caritative. À son retour, il s'installe à Islington, quartier du nord de Londres, à l'époque coeur de la contestation gauchiste.
Militant syndical, il est élu depuis 1983 député de cette circonscription, où il vit toujours dans une maison modeste, avec sa troisième épouse, une Mexicaine de vingt ans sa cadette. Il a trois fils.
Végétarien, Corbyn confiait au Guardian en 2015 mener une vie "très normale", lui qui continue de se déplacer à vélo.
Après des années marquées par la ligne centriste imposée par Tony Blair, il a dû se battre pour imposer sa vision de gauche et affronter une partie de l'appareil travailliste refusant d'être dirigée par un rebelle. Il avait en effet voté 533 fois contre la ligne du parti depuis 1997.
Dissensions, polémiques: la fronde culmine après le vote sur la sortie de l'UE. Accusé de n'avoir pas fait assez pour empêcher le Brexit, Corbyn essuie une motion de défiance un an après son élection. Mais il y survit.
En juin 2017, il est à la surprise générale le grand gagnant des législatives, améliorant le score du Labour, alors qu'il était raillé au sein même de son parti. Theresa May perd alors sa majorité.
Son parti n'arrive toutefois pas à percer dans les sondages depuis, alors même que les conservateurs se déchirent autour du Brexit.
Son positionnement effraye les électeurs plus modérés, et il est un véritable épouvantail pour les milieux économiques. Son image a aussi été ternie par plusieurs affaires d'antisémitisme au sein de son parti, qu'il est accusé de ne pas avoir combattu.
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