Elue première femme présidente de Géorgie, l'ex-diplomate française Salomé Zourabichvili savourait sa victoire jeudi mais doit faire face à la fronde de l'opposition, dont le candidat Grigol Vachadzé a rejeté les résultats et appelé à des manifestations.
Avec 59,82% des suffrages obtenus selon les chiffres définitifs de la commission électorale géorgienne, Salomé Zourabichvili, qui était soutenue par le parti au pouvoir du Rêve géorgien, a largement dominé le second tour de cette élection.
Son rival, Grigol Vachadzé, a obtenu 40,18% des voix, un score à peine supérieur à celui du premier tour au cours duquel il était arrivé au coude à coude avec Mme Zourabichvili.
Ancienne ambassadrice française, Mme Zourabichvili a promis d'ancrer la Géorgie dans l'Europe, saluant aussi le pas en avant que constituait l'élection d'une femme à la tête de ce petit pays du Caucase.
"Il est maintenant important de montrer que ce pays a choisi l'Europe. C'est pour ça que les Géorgiens ont élu une femme européenne présidente", a-t-elle déclaré aux journalistes après l'annonce de sa victoire.
"Ca fait du bien", a ajouté Mme Zourabichvili, faisant référence au petit nombre de femmes chefs d'Etat dans le monde.
Reste que l'ancienne diplomate du Quai d'Orsay, 66 ans, devra affronter la fronde de l'opposition qui a dénoncé des fraudes massives.
"Nous ne reconnaissons pas les résultats de l'élection, nous demandons la tenue d'élections législatives anticipées", a déclaré Grigol Vachadzé devant ses militants, ajoutant qu'il appelait à "une manifestation pacifique massive" dimanche à Tbilissi, la capitale de ce petit pays du Caucase.
Soutenu par une alliance de onze partis d'opposition, Grigol Vachadzé était le candidat du Mouvement national unifié (MNU), fondé par l'ex-président en exil Mikheïl Saakachvili. Il pouvait espérer mieux alors que les derniers sondages le plaçaient légèrement en tête du scrutin au second tour.
Il s'agissait du dernier scrutin présidentiel au suffrage direct, avant de passer à un régime parlementaire. Mais si le poste de président est devenu essentiellement symbolique après ces changements constitutionnels, le vote était un test pour le parti au pouvoir.
L'élection préfigure en effet la confrontation à venir lors des législatives de 2020 entre le Rêve géorgien, fondé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili et au pouvoir depuis 2012, et le MNU.
Dans ce scrutin clé pour la démocratie de ce pays du Caucase, de nombreux observateurs internationaux étaient présents. L'Organisation pour la sécurité et la cooopération en Europe (OSCE) a salué dans un rapport des élections "concurrentielles" et "bien organisées" au cours duquel "les candidats ont pu faire campagne librement".
Mais l'OSCE a aussi critiqué "l'utilisation abusive" des ressources de l'Etat pour favoriser Mme Zourabichvili ainsi que la "potentielle intimidation" d'électeurs. "Un camp a bénéficié d'un avantage indu", souligne le rapport des observateurs de l'OSCE.
La victoire de Mme Zourabichvili a aussi été contestée par M. Saakachvili, qui a dénoncé "une fraude électorale massive" et demandé aux Géorgiens "d'organiser des rassemblements pacifiques pour exiger des élections législatives anticipées".
"L'oligarque a fait sortir la démocratie géorgienne et les institutions des élections", a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision Roustavi-2 en référence à Bidzina Ivanichvili, fondateur du Rêve géorgien. Ce dernier s'est officiellement mis en retrait de la politique, mais beaucoup le considèrent encore comme le véritable dirigeant du pays.
Diplomate de carrière de 60 ans, Grigol Vachadzé avait également dénoncé le "règne oligarchique informel" de M. Ivanichvili et l'incapacité du gouvernement actuel à combattre la pauvreté.
Signe des tensions autour du scrutin, l'opposition a accusé le gouvernement d'intimider des électeurs et affirmé que des militants du Rêve géorgien avaient agressé des membres du parti d'opposition alors que Mme Zourabichvili a affirmé qu'elle et ses enfants avaient reçu des menaces de mort.
De nouvelles manifestations pourraient donc secouer la Géorgie, un pays à l'histoire mouvementée qui a connu une guerre civile (1991-1993), un court conflit avec la Russie en août 2008 et possède une longue histoire de troubles et de manifestations.
Mais une transition démocratique serait toutefois accueillie par beaucoup avec soulagement, alors que la Géorgie souhaite depuis dix ans intégrer l'Otan et l'UE et que le pays émerge doucement comme une destination touristique en plein essor.
La France, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a adressé "ses plus sincères félicitations" à Salomé Zourabichvili tandis que le président ukrainien Petro Porochenko a souhaité à la nouvelle présidente "tous les succès pour assurer le développement démocratique européen de la Géorgie".
La Russie s'est contentée de "prendre note" de l'élection, par la voie du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
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