Officiellement, le Luxembourg souhaite ardemment que le Royaume-Uni reste dans l'UE. Mais en coulisses, l'importante place financière de ce pays fondateur de l'Union est bien décidée à ne pas laisser passer les opportunités d'un éventuel "Brexit".
"Des journalistes plus ou moins bien intentionnés me demandent si une sortie de l'UE du centre financier londonien ne donnerait pas un coup d'accélérateur à la place luxembourgeoise", a raconté cette semaine le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna.
Mais "je ne partage pas cette analyse, même si je suis content que différents acteurs considèrent le Luxembourg en cas de Brexit" comme la potentielle nouvelle place financière principale en Europe, a assuré M. Gramegna.
Le Grand-Duché, l'un des fondateurs de l'UE et pays d'origine du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, considère qu'à long terme, l'UE sera "moins forte commercialement" sans le Royaume-Uni.
Toutefois, le Luxembourg pourrait y gagner, anticipent certains analystes à mi-voix, en soulignant que les institutions financières établies à Londres et actives sur le Marché unique perdront leur passeport européen si le Royaume-Uni quitte l'UE.
Pour la City de Londres, l'enjeu est crucial puisque le ministère britannique des Finances évalue à 100.000 le nombre d'emplois directement liés à l'exportation de services financiers dans l'UE, et qu'une partie de ces fonctions pourraient être relocalisées sur le continent.
Le Haut Comité de la place financière, un organe informel rassemblant des représentants du ministère des Finances et les principales sociétés du Luxembourg, a indiqué avoir examiné les différents scénarios.
Quant au secteur bancaire luxembourgeois, déjà bien étoffé avec 143 établissements, il se prépare à l'arrivée de nouvelles banques, notamment celles d'origine non communautaire en provenance de Londres, en visant en particulier les institutions américaines, australiennes, canadiennes, suisses ou turques.
"Nous allons jouer la carte du headquartering" --c'est-à-dire inviter des grands groupes internationaux à établir leur quartier général européen au Luxembourg, a expliqué Serge de Cillia, directeur général de l'Association des Banques et Banquiers luxembourgeois (ABBL).
Le lobby bancaire veut essentiellement avancer ses pions sur le créneau de la gestion de fortune et des fonds d'investissement, laissant le secteur de la banque d'affaires (investment banking) à d'autres centres financiers comme Paris, candidate déclarée, via l'agence Paris Europlace, à l'accueil d'activités londoniennes en cas de Brexit.
Serge De Cillia explique avoir déjà reçu des appels de banques sondant le terrain luxembourgeois.
Selon le quotidien britannique The Times, HSBC et J.P. Morgan ont déjà envisagé le transfert d'activités au Luxembourg.
Pour le Luxembourg, le changement éventuel ne surviendra pas au lendemain du référendum. "Tout ne se décidera pas en un mois", a prévenu M. de Cillia, en soulignant la longueur des procédures d'enregistrement.
Des banques chinoises sont déjà en approche. Les six principales sont déjà installées au Luxembourg. Mais d'autres, "de deuxième division", selon les termes du ministre Gramegna, attendent l'issue du référendum britannique pour finaliser le lieu de leur implantation européenne.
Le Luxembourg est en concurrence avec Londres sur ce dossier. Il l'est aussi sur celui du siège européen de la jeune Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB).
Quelle que soit l'issue du vote des Britanniques le 23 juin, la fin du suspense sera une bonne chose pour les affaires, même si la période qui s'ouvrira sera elle aussi riche en incertitudes.
Et jeudi prochain, quoi qu'il arrive, les Luxembourgeois sabreront le crémant, le "champagne" national, puisque la date choisie par le Premier ministre britannique David Cameron coïncide avec la fête nationale luxembourgeoise.
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