Un face-à-face tendu a opposé lundi Alexandre Loukachenko aux ouvriers d'une importante usine qui lui criaient "Pars!", la pression montant sur le président bélarusse pour qu'il quitte le pouvoir après l'élection contestée du 9 août.
Répondant à un appel à la grève de l'opposition après la manifestation historique de dimanche qui a réuni des dizaines de milliers de personnes à Minsk, des employés de plusieurs usines et de la télévision publique ont arrêté le travail lundi.
Une visite d'Alexandre Loukachenko à l'usine de fabrication de véhicules-tracteurs (MZKT) de Minsk a notamment donné lieu à échange tendu avec des ouvriers scandant "Pars!" alors qu'il donnait son discours et répondait à leurs questions. "Merci, j'ai tout dit, vous pouvez crier +Pars+", a conclu M. Loukachenko avant de quitter l'estrade, visiblement en colère.
La pression monte au Bélarus depuis l'élection présidentielle du 9 août, qui a vu la réélection d'Alexandre Loukachenko avec 80% des votes malgré de nombreuses accusations de fraude.
Dimanche, pour ce qui est devenu le plus grand rassemblement d'opposition de l'histoire du pays, plus de 100.000 personnes ont participé à un défilé dans la capitale à l'appel de la principale opposante, Svetlana Tikhanovskaïa, qui s'est dit prête lundi à "assumer ses responsabilités" et gouverner le pays.
Mercredi, un sommet extraordinaire des 27 dirigeants de l'UE doit avoir lieu sur la situation au Bélarus, a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel tandis que l'Allemagne, qui assure la présidence tournante de l'Union européenne, a menacé d'étendre les sanctions déjà décidées la semaine dernière après les violences policières contre les manifestants.
Devant l'usine MZKT, où Alexandre Loukachenko était arrivé en hélicoptère, un rassemblement a réuni plusieurs centaines de protestataires, brandissant le drapeau rouge et blanc de l'opposition et lançant des slogans hostiles au pouvoir.
"Jamais je ne ferai quoi que ce soit sous pression", a déclaré M. Loukachenko durant son discours à l'usine MZKT: "Tant que vous ne me tuerez pas, il n'y aura pas d'élections", a-t-il lancé.
Environ 600 manifestants selon les médias locaux se sont aussi réunis devant le siège de la télévision publique où Maria Kolesnikova, l'un des visages de l'opposition, les a rejoints. "Je sais à quel point vous avez peur, parce que nous avons tous peur. Merci d'avoir surpassé votre peur et d'avoir rejoint la majorité", a-t-elle déclaré.
Selon le site d'informations tut.by, les employés du producteur de potasse Belaruskali ont annoncé à leur tour leur intention de se mettre en grève. Le potasse, utilisé pour fabriquer de l'engrais, est une source de revenu majeure pour le Bélarus, qui en est un des plus gros producteurs au monde.
Depuis le scrutin du 9 août qui l'a vu jeter en prison plusieurs de ses concurrents, empêcher l'accès des bureaux de vote aux observateurs indépendants puis brutalement réprimer les manifestations s'opposant aux résultats, Alexandre Loukachenko a de nombreuses fois rejeté l'idée d'un départ.
En fin de semaine dernière, des centaines d'employés d'usines d'Etat ont cessé le travail, signe que la base électorale habituelle du président au pouvoir depuis 1994 s'ébrèche.
Tôt lundi matin, Svetlana Tikhanovskaïa a assuré dans une vidéo enregistré depuis la Lituanie, où elle est réfugiée, être prête à devenir "le leader national" et gouverner le pays, rappelant son ambition d'organiser une nouvelle élection présidentielle libre si elle accède au pouvoir. Elle a aussi appelé les autorités à libérer tous les manifestants interpellés la semaine dernière, retirer les forces antiémeutes des rues et enquêter sur ceux ayant ordonné la répression.
Après l'élection, quatre soirées de manifestations ont été matées par les forces antiémeutes, faisant au moins deux morts, des dizaines de blessés et plus de 6.700 arrestations, dont la majeure partie ont depuis été libérés.
La pression monte aussi à l'extérieur du Bélarus: lundi, le Royaume-Uni a annoncé à son tour qu'il "n'accepte pas les résultats" de l'élection présidentielle et compte "sanctionner les responsables" de la répression des manifestations.
La Lituanie a de son côté averti que le Bélarus avait commencé des exercices militaires à sa frontière, accusant Alexandre Loukachenko d'être responsable de l'escalade des tensions depuis l'élection.
Minsk a tout de même reçu le soutien de Moscou, allié historique malgré des tensions récurrentes et dont l'attitude sera cruciale pour l'issue de la crise.
Selon Alexandre Loukachenko, Vladimir Poutine lui a promis "une aide complète (...) pour assurer la sécurité du Bélarus", via un accord militaire liant les deux pays.
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