L'Allemagne, plongée depuis dimanche dans une grave crise politique, tente d'éviter la tenue d'élections anticipées en cherchant un compromis entre les partis politiques qui permettrait à Angela Merkel de former un nouveau gouvernement.
Le président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier, qui a désormais la main dans cette crise en vertu de la Constitution, fait le tour des partis susceptibles de participer à une coalition sous l'égide de la chancelière conservatrice au pouvoir depuis douze ans.
Il a exclu de ces rencontres l'extrême droite et la gauche radicale, avec lesquelles Angela Merkel refuse tout dialogue.
Après un long entretien lundi avec la dirigeante, il a reçu mardi les deux co-présidents des Verts, Simone Peter et Cem Özdemir. Il a enchaîné par une entrevue plus brève avec le chef du parti libéral-démocrate (FDP) Christian Lindner qui, en rompant les négociations pour former un gouvernement avec les conservateurs (CDU-CSU) et les écologistes, a plongé l'Allemagne dans cette crise inédite.
Rien n'a filtré à l'issue de ces rencontres.
Jeudi, M. Steinmeier aura également un entretien très attendu avec Martin Schulz, chef des sociaux-démocrate (SPD), qui, laminé aux législatives de septembre, refuse mordicus une nouvelle alliance avec Mme Merkel.
Le président allemand a donc un objectif : forcer au compromis pour constituer un gouvernement sous la direction de Mme Merkel et ainsi éviter un scrutin anticipé.
S'il échoue, il est le seul à pouvoir enclencher la procédure pouvant se solder par une dissolution et un scrutin anticipé début 2018.
Les élus ont "pour mission" de former un gouvernement et ne peuvent simplement "renvoyer cette tâche" aux électeurs, a insisté lundi M. Steinmeier, ancien chef de la diplomatie de Mme Merkel et apprécié des Allemands.
En ouvrant la séance du Bundestag mardi matin, le président de la chambre des députés, Wolfgang Schäuble, figure historique de la politique allemande, a souligné que le poids lourd de l'Europe faisait face à "une épreuve mais pas à une crise d'Etat".
Dans toute l'Europe, on regarde de près les évolutions en Allemagne. Car sans la voix de Berlin, la réforme d'une Union européenne en crise ou la négociation du Brexit risquent d'être freinées.
La Commission européenne a néanmoins indiqué mardi qu'elle présentera comme prévu ses projets de réformes pour la zone euro le 6 décembre. Elles doivent ensuite être discutées le 15 décembre à Bruxelles lors d'un sommet européen des chefs d'Etat et de gouvernement. "L'Europe ne fera pas de pause" à cause de la crise politique allemande, a déclaré le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas.
La tenue d'un scrutin anticipé en Allemagne est risquée car le paysage politique du pays a déjà vécu un séisme politique lors des législatives du 24 septembre avec l'entrée fracassante de députés d'extrême droite à la chambre des députés.
Et l'ascension de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui a promis de "faire la chasse" à Mme Merkel, pourrait encore s'amplifier en cas de nouvelles élections. Elle obtient 14% des intentions de vote, selon un sondage de l'institut INSA, contre 12,6% en septembre.
Les Allemands ne rejettent pas pour autant l'organisation d'un scrutin anticipé (45%), selon un sondage de l'institut Forsa.
Mais selon l'enquête INSA, les scores des différentes formations ne présagent pas de majorité évidente. La CDU de Mme Merkel y est en baisse à 30% (contre 33% le 24 septembre).
Malgré des résultats décevants aux législatives de septembre, et l'échec des négociations dimanche, la chancelière entend être candidate en cas de scrutin.
Elle a jusqu'ici exclu de former, comme lui permettrait la Constitution, un gouvernement minoritaire afin de ne pas avoir à "chercher une majorité à chaque décision".
Les critiques à son endroit se font pourtant plus pressantes, parfois même à l'intérieur de sa famille politique. Pour certains de ses détracteurs conservateurs, les difficultés actuelles et la poussée de l'AfD sont dues à sa décision d'accueillir plus d'un million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016.
En attendant l'épilogue de cette crise, Angela Merkel reste à la tête du gouvernement, pour expédier les affaires courantes.
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