L'ex-champion de cricket Imran Khan a remporté les élections législatives au Pakistan, selon des résultats partiels publiés vendredi, mais aura besoin d'alliés pour se bâtir une majorité.
Le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) remporte au moins 114 sièges, loin devant ses rivaux qui ne sont plus en mesure de le rattraper, selon les résultats partiels rendus publics par la Commission électorale pakistanaise (ECP), alors que seule une poignée de sièges restent à attribuer.
Imran Khan a revendiqué dès jeudi la victoire à ces élections marquées par de nombreuses accusations de fraude et par un dépouillement particulièrement lent, qui a valu de vertes critiques à l'ECP.
La mission d'observation de l'Union européenne a fait état dans son rapport préliminaire d'"un manque notable d'égalité et d'opportunités" aux élections. "Le processus électoral de 2018 n'est pas à la hauteur de celui (des législatives) de 2013", a estimé son chef, Michael Gahler.
Ces controverses font suite à une campagne considérée par certains observateurs comme l'une des plus "sales" de l'histoire du pays en raison de manipulations présumées de la puissante armée pakistanaise en faveur de M. Khan.
Au vu des chiffres déjà publiés, le PTI n'est plus en mesure d'obtenir la majorité (137 sièges) nécessaire à la formation d'un gouvernement, même s'il a fait mieux qu'attendu. Il lui faudra donc chercher des alliés parmi les députés indépendants ou former une coalition avec d'autres partis.
Le principal rival du PTI dans ces élections, le parti PML-N de Shahbaz Sharif, a remporté 63 sièges à ce stade, et le PPP (Parti du peuple pakistanais) de Bilawal Bhutto-Zardari, 43, a indiqué la Commission.
Ces deux partis, ainsi que plusieurs autres, ont fait état de fraudes, mais l'ECP a rejeté ces accusations.
Une ONG pakistanaise, le Réseau pour des élections libres et justes (FAFEN), a livré un diagnostic globalement favorable du scrutin, pour lequel elle avait déployé environ 20.000 observateurs.
Mais la mission d'observation européenne a relevé des "restrictions sur la liberté d'expression" et noté que "la plupart des interlocuteurs avaient reconnu un effort systématique pour porter atteinte (au PML-N) via des affaires de corruption, outrage au tribunal ou accusations de terrorisme".
Dans son discours de victoire jeudi, le populaire ex-champion de cricket, visiblement sûr de lui, avait adopté un ton conciliant et ponctué de références religieuses.
"Nous avons réussi. On nous a donné un mandat", a-t-il lancé, louant les élections "les plus justes et les plus transparentes" de l'histoire du pays.
Promettant l'avènement d'un "nouveau Pakistan", il s'est engagé à lutter contre la corruption et la pauvreté. Il a également promis de travailler à des "relations équilibrées" avec les Etats-Unis et s'est dit prêt à discuter de l'épineux conflit du Cachemire avec l'Inde.
Mais le futur gouvernement se retrouvera confronté à des problèmes pressants, notamment une économie dans le rouge et de gigantesques défis environnementaux.
Pour les analystes, les circonstances dans lesquelles se sont déroulées la campagne électorale et le vote jettent en outre une ombre sur la légitimité des résultats.
"Personne ne peut gouverner efficacement lorsque la moitié du pays croit que vous avez été installé suite à une manipulation de l'armée et de la justice plutôt que par le vote du peuple", estime l'ancien diplomate Hussain Haqqani.
Le Pakistan, puissance nucléaire, a été dirigé par son armée pendant près de la moitié de ses 71 ans d'histoire.
Le parti PML-N apparaît à ce stade comme le plus grand perdant du vote. Son chef de file Shahbaz Sharif, frère de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, a dénoncé des "fraudes flagrantes (ramenant) le Pakistan 30 ans en arrière", et "rejeté" son résultat.
Il a annoncé qu'il devait participer vendredi à des consultations entre différents partis sur "l'incidence des graves irrégularités (survenues) le jour du vote". "L'ECP a misérablement échoué à organiser des élections justes, libres et transparentes", a-t-il ajouté.
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